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  • Programme du stand arménien du salon international du livre et de la presse de Genève

    Du 6/03/2024 au 10/03/2024 à Palexpo. RÉSISTANCE(S) Comment l’individu, acteur ou spectateur de l’événement guerrier, vit-il la défaite ? Après la tragédie vécue par les Arméniens du Haut-Karabagh (Artsakh), le trouble a gagné les esprits de tous les Arméniens, en diaspora comme sur le territoire national. Que deviennent les sociabilités ? La solidarité est d’autant plus nécessaire que l’ensemble des liens sociaux sont perturbés. Sortir de la guerre prend une acuité particulière en situation de défaite, d’autant plus que des dizaines de milliers d’individus ont été contraints à l’exode. Le jeu des représentations est également touché par cette défaite. Mais une défaite peut-elle, dans une certaine mesure, être une victoire ? Une victoire pour l’avenir, en tout cas, car elle impose de changer les modèles ou les représentations que l’on se forge de sa propre culture ou de soi-même. Résister, c’est refuser la fatalité et sortir du grand « désenchantement ».  La création artistique, littéraire, le travail des historiens ou tout œuvre d’analyse sont des opérateurs du corps social, permettant de penser notre condition et de penser de nouvelles possibilités. Du 6 au 10 mars 2024, sous le thème « Résistance(s) », le stand arménien du Salon du livre de Genève tentera, avec ses invités de renom, d’envisager ces nouvelles configurations géopolitiques, de mieux cerner le parcours de figures tutélaires comme celles des époux Manouchian, de déjouer les forces de l’habitude avec de jeunes créateurs, et s’intéressera aussi à l’atteinte faite à l’héritage culturel arménien durant cette guerre et ses suites, de Jérusalem au Haut-Karabagh. Le programme complet du stand arménien (pp. 2-12) se trouve ICI. CONTACT : Alain Navarra Navassartian (Président de Hyestart) : Responsable programmatique alain_navarra@hotmail.com • +41 76 543 07 82

  • "Diaspora(s) arménienne(s) en mouvement". Espaces, acteurs et pratiques au 21ème siècle

    L'association Hyestart est heureuse de vous inviter à un colloque international qu'elle soutient et co-organise à Paris les 14 et 15 mars prochains. Alain Navarra (Président de Hyestart) est heureux de partager le programme d'un colloque international, qu’il co-organise avec Anouch Der-Sarkissian (Sorbonne Nouvelle, Crew, Institut Convergences Migrations), Boris Adjemian (Bibliothèque Nubar, CRH-EHESS, ICM), et Yan Scioldo-Zürcher (CNRS, CRH-EHESS, ICM). Intitulé "Diaspora(s) arménienne(s) en mouvement : espaces, pratiques et acteurs au 21ème siècle", ce colloque est soutenu par plusieurs associations dont Hyestart. L'événement se déroulera les 14 et 15 mars 2024 au Campus Condorcet à Aubervilliers (Métro Front Populaire). Il rassemblera des spécialistes de plusieurs aires culturelles et de diverses disciplines des sciences humaines et sociales. Voici le programme des deux journées: La plupart des communications seront en anglais. Le colloque est ouvert au public dans la limite des places disponibles. L'inscription est requise en envoyant un mail à : diasporas.in.motion@gmail.com Hyestart se réjouit de vous y retrouver.

  • Passage d’une lutte armée à une résistance populaire non violente comme nécessité stratégique et politique

    Alain Navarra_Navassartian,  PhD sociology, PhD art history Comment peut-on envisager les accords de paix proposés par l’Azerbaïdjan après la guerre des 44 jours, 5.000 soldats tués, l’abandon de 120.000 individus chassés de leur terre ancestrale après un blocus illégal, la violation de différents droits humains et de certains droits de la guerre ? L’Azerbaïdjan a imposé le bien fondé de ses entreprises guerrières. Sa guerre ne pouvait être que juste puisque l’UE et certains pays occidentaux l’ont soutenu sans remords, permettant au rapport du droit et de la force de s’inverser, encore une fois. Il nous reste à constater comme l’a fait Clausewitz que la guerre est la politique menée par d’autres moyens au détriment de l’exode d’une population entière et au mépris du sacrifice de 5.000 hommes que l’on a amputé de leur combat jusqu’à perdre le sens profond de ce conflit. Une guerre et surtout une sortie de conflit qui est devenue le prolongement d’une politique mercantiliste et atlantiste désordonnée menée par les Occidentaux, prêt à tout, encore une fois, pour complaire à leurs « alliés » la Turquie et l’Azerbaïdjan. L’architecture normative de l’ordre international se fait par jeu de pouvoirs mais aussi au travers de valeurs et d’idées dominantes. Nous avons beaucoup écrit sur l’invisibilisation de la souffrance de certaines populations comme celle des Arméniens de l’Artsakh mais il s’agit, dans cet article, d’envisager quelle idée de la collectivité reste acceptable après un tel cataclysme et quelles formes de résistance sont encore possibles. STRATÉGIES HYBRIDES POUR GUERRE HYBRIDE L’Azerbaïdjan a parfaitement utilisé des stratégies hybrides qui ne se développent pas uniquement sur les lieux du conflit et dans la guerre cinétique. La guerre hybride a montré comment les stratégies indirectes étaient importantes dans ce conflit, les actions coordonnées sur l’ensemble des capacités arméniennes : population, structures civiles, économie, diplomatie culturelle, champs immatériels de désinformation, de pressions diplomatiques, etc. Un ensemble d’actions, faisant pour certaines fi du respect du droit international, particulièrement efficaces face à un arsenal militaire défaillant et à une impréparation à bien des niveaux. Si le concept de guerre hybride reste parfois flou (nous l’utilisons ici car il domine les propos de nombreux intervenants européens), ses conséquences politiques sont concrètes, la tentative de polarisation de l’opinion publique européenne par l’Azerbaïdjan, notamment. Il est évident que l’armement et les mutations technologiques de la guerre sont des éléments essentiels, mais les systèmes de lutte immatériels et certains facteurs influencent le comportement des combattants ainsi que le regard porté sur le conflit par les acteurs  internationaux, comme le fait de violer ou pas le droit international : le caractère criminogène de la guerre, la définition des buts de la guerre, la raison d’opportunité. Le désengagement moral autorisé par une certaine attitude occidentale a favorisé, par exemple, des violations du droit de la guerre par l’Azerbaïdjan. Comportement facilité par la déresponsabilisation et la justification des comportements des « troupes » azerbaïdjanaises par le gouvernement mais aussi par ses alliés occidentaux. Si on tolère les violations des normes ou des principes juridiques internationaux on perd le bénéfice symbolique de la norme même si elle ne garantit pas un comportement toujours adéquat, elle reste encore un frein dans la spirale de la violence. Quand sera-t-il après la guerre que nous vivons au Moyen-Orient ? La vulnérabilité collective de la population arménienne de l’Artsakh est très certainement la variable qui entraîne cette population, comme une majorité d’arméniens ou d’individus d’origine arménienne de par le monde, à douter de l’application du droit international dans la résolution de ce conflit. On doit reconnaître à Bakou sa capacité à cadrer et à imposer son interprétation des faits, notamment sur le patrimoine arménien ou sur certains épisodes de la guerre, mosquées transformées en étables, etc. Cette désinformation discrète au début, mais persistante, devient donc un fait. Précisons que cette stratégie de la communication a fait gravement défaut au gouvernement arménien. La manipulation de l’information n’est pas un fait nouveau, mais l’utilisation des réseaux sociaux et leur rapidité ont changé la donne dans l’information autour du conflit des 44 jours et de la période qui a suivi le cessez-le-feu. Là encore, l’utilisation stratégique par l’Azerbaïdjan de certains réseaux sociaux : X (Twiter) et Facebook en particulier a été importante dans la description des faits et dans la façon d’imposer la « réalité » des faits, arrivant à la relativisation de la notion même de vérité. L’utilisation des instruments de la persuasion comme l’information est un outil essentiel. L’information sert à propager une vision de l’État et de la société azerbaïdjanaise, un narratif plausible à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. La manipulation du champ discursif, la manipulation de certains médias ou de certains producteurs de savoirs a été mise en place très rapidement durant le conflit. Première cible : le patrimoine religieux arménien devenu la production des « Albanais du Caucase » à grand renfort de textes « scientifiques ». En appliquant les techniques des relations publiques, le gouvernement azerbaïdjanais a parfaitement fait passer son message dans un monde occidental prêt à le recevoir sans sourciller. Le gouvernement azerbaïdjanais mène une campagne active de communication sur son image : pages de publicité à destination du tourisme, organisation d’évènements sportifs, financement d’évènements culturels ou de travaux de rénovation de divers monuments en Europe, comme le projet des catacombes de Comodilla à Rome en partenariat avec le Vatican. Ce dernier projet s’inscrivant dans la dynamique d’échanges interreligieux voulue par le pape François. Mais cette politique de soft power de l’Azerbaïdjan a été mise en place depuis un certain temps déjà : restauration du bas-relief de la rencontre du pape Léon Ier et d’Attila de St Pierre de Rome. Rappelons aussi que le pape n’a pas désigné l’Azerbaïdjan comme agresseur, mais a simplement déploré la crise dans le Caucase du sud. Se rallier des intermédiaires influents dans le monde occidental est une stratégie bien rôdée des régimes autoritaires, il s’agit moins dans le cas de l’Azerbaïdjan d’imposer une idéologie que de manière opportuniste recruter des alliés de choix. Démontrer, avec l’aide de ces alliés, que l’Azerbaïdjan est un partenaire économique, culturel et géostratégique d’importance adhérant aux valeurs universelles de l’occident a été un travail mûrement pensé par le gouvernement du pays, qui a saisi l’importance de la culture dans les relations internationales, objet de prédilection des pouvoirs. L’Azerbaïdjan en a fait une sorte de « missile » idéologique, et a mis en place des stratégies culturelles qui sont devenues des outils de prestige et de visibilité. Même si l’universel semble, aujourd’hui, un mythe sans réelle objectivité, mais que l’on impose comme une vérité objective, s’acheter une image convenable pour les instances internationales et dans les instances internationales est important pour les régimes autoritaires. Il est à regretter que les stratégies arméniennes mises en place pour invalider les calculs de l’Azerbaïdjan et notamment son passage à l’acte (une situation gelée ne reste pas gelée ad vitam eternam) ont été presque inexistantes ou mal préparées. La licéité du secret a accompagné tous les épisodes désastreux de cette guerre, il est donc difficile de comprendre quelles stratégies et tactiques on voulait mener dans le camp arménien. La communication est un enjeu essentiel des outils de la guerre. L’opinion publique européenne, aux prises avec la guerre en Ukraine à ses portes, n’a pas, in fine, apporté tout le soutien nécessaire à la population arménienne. Et ceci, malgré une communication essentiellement située dans le champ humanitaire. La non-résistance par différents moyens et pas seulement militaires est dangereuse. Surestimer les bonnes intentions d’autrui est un manque de réalisme politique. Une paix peut très vite s’avérer n’être qu’une simple soumission qui peut se transformer en servitude. A-t-on bien mesuré le calcul d’intérêts des alliances ? Pense-t-on qu’elles pourront empêcher tout désir d’hégémonie de la Turquie et de l’Azerbaïdjan ? Peut-on appeler cela une paix ? Certaines décisions peuvent apparaître, pour les populations, comme la simple manifestation du courage des lâches, d’autant plus que cette paix n’est en aucun cas fondée sur le droit. Il n’y a aucun consentement de la volonté du président Aliev à la loi et aucune exclusion de la violence, il suffit d’écouter son discours prononcé à Latchine. Une paix réelle dépend du régime politique en vigueur dans les États, qu’en est-il donc des régimes autoritaires ou félons comme l’Azerbaïdjan qui bafouent le droit international qui est censé garantir la paix ? Il faut sortir la cause arménienne du marché de « l’humanitarisation » qui en modifie les structures de pensée et d’actions. Tout marché a des impératifs, notamment celui de la promotion. Donc on a assisté durant la guerre des 44 jours et le blocus qui a suivi à une accumulation d’images tragiques et de tragédies gérées de façon plus ou moins rationnelle faisant émerger l’image de la victime résiliente. On en oublierait presque que dans les communautés traditionnelles arméniennes, il y avait une prétention et une volonté à gérer sa destinée, y compris les armes à la main. Les victimes ne vivifient en rien les communautés politiques défaillantes. Sinon les faire plonger dans un tiers ordre humanitaire et déployer la cause arménienne, essentiellement sur le marché caritatif qui privilégie le cœur sur la raison, mais surtout le cœur sur le droit de ce peuple. D’autant plus que les victimes arméniennes sont dévalorisées, voire exclue du conflit. Elles ne sont qu’une bande de « désespérés » ou de séparatistes, hors du champ politique. Cette guerre, comme d’autres, ne s’est pas faite selon les usages occidentaux mais le monde occidental entérine le fait par ses silences embarrassés. On impose donc à certains une vision de la guerre conforme au droit international alors que l’on autorise à d’autres, et sans vergogne, un emploi de la force sans éthique. La cohésion populaire d’un peuple entier et sa détermination sont des vecteurs essentiels pour faire comprendre au monde le péril d’une guerre même si la veulerie générale impose le silence. « Jusqu’à quand allons-nous mourir ? » pourraient demander les Arméniens, les Kurdes ou toutes les victimes civiles des conflits au Moyen-Orient. Compter les morts, un exercice hautement politique en temps de guerre, mais la mort d’un individu n’a pas la même valeur pour tous puisqu’il a y des civils morts qu’on ne saurait voir. Il reste donc que la fermeté est un acte de combat, les opinions publiques, parfois les puissances étrangères, s’impliquent de manière positive pour un peuple opprimé ou en danger, mais seulement si un mouvement de résistance a déjà ébranlé l’édifice de domination. La résistance ukrainienne en est un bon exemple. Comment une pratique de résistance individuelle peut passer au collectif ? Pour rendre compte d’une unité sociale donnée en Arménie, comme en diaspora, on invoque le « ciment » culturel, voire spirituel, mais jamais on interroge les formes de pouvoir. La majeure partie des discours, interventions du leadership diasporique ou gouvernemental arménien ne font que renforcer l’idée d’intrication des rapports de domination et de culture politique, une dépendance acceptée voire intériorisée. Le terme de « dhimmitude » revenant souvent sous la plume de quelques chercheurs, politologue ou géopolitologues. La phobie d’une fin fantasmée produit la réalité d’un pouvoir assujettissant des assujettis consentants (J.P Dolle.2004). Difficile de penser l’évolution du système de leadership diasporique ou du système étatique arménien, même si l’État ne se laisse pas facilement définir. « L’indécision est la souveraine des égarés.. » Cette guerre a montré les changements profonds qui influent sur les opérations militaires, notamment technologiques. On nous a assez répété que l’Arménie avait la capacité de s’adapter, voire d’adapter de nouvelles technologies, mais inventer la rupture technologique de la guerre ne s’invente en une poignée de secondes. Il s’agit donc de mettre en place une stratégie industrielle pour aborder ces changements : drones, IA, etc. Tout comme la mise en place d’un ensemble de stratégies de combinaisons défensives afin de déjouer les calculs adverses ? Rien n’est moins sûr et de toute façon, là encore, le secret ne permet qu’à des « initiés » de connaître la réalité d’une résistance aux desseins adverses. La défaite n’est pas seulement un phénomène militaire, elle est aussi un moment qui révèle des ruptures et provoque une multitude de comportements. Elle a été seulement envisagée comme une « pathologie » héritée des gouvernements précédents, mais a-t-on seulement entrevu une organisation nouvelle de la collectivité ou une idée acceptable de la collectivité après ce désastre ? De plus la volonté du gouvernement arménien de complaire aux occidentaux après une valse-hésitation n’a fait qu’abaisser le seuil de réaction des partenaires occidentaux même lorsque l’Azerbaïdjan a dépassé ce seuil de réaction qui fait ou pas intervenir un État ou se réveiller une opinion publique. La résistance passe par les armes, je n’en disconviens pas, mais elle est aussi le fait de diminuer une force ou une violence subie par différents autres moyens. Alors que les pays occidentaux tergiversent et ne réussissent pas à sortir de « l’éthique sans performance » mais cherchent de nouvelles voies face au retour de la force, il est encore possible pour les Arméniens de contester l’activisme culturel de l’Azerbaïdjan. Il est évident qu’il ne s’agit pas de comparer les tactiques de la guerre cinétique et des stratégies immatérielles, mais il y a une logique d’actions pour mener de façon collective une résistance aux discours dominants et aux actions politiques qui ont mené à l’exil de 120.000 individus. Cela demandera du temps pour construire une solidarité efficace et un réel sentiment collectif, d’autant plus que les discours ou interventions du premier ministre arménien sont souvent incompréhensibles vis-à-vis de la diaspora. Les modalités des luttes et l’organisation collective est très certainement un sujet intéressant à étudier en Arménie où les ONG sont si nombreuses et influent sur les pratiques de résistance. Comme nous l’avons déjà souligné, l’intention d’hostilité de l’Azerbaïdjan ne disparaîtra pas avec la signature d’accords de quelque nature soient-ils. La paix est l’œuvre d’une volonté. La volonté de « retrouver la pureté du territoire », maintes fois exprimée par le président Aliev, ne laisse rien envisager de serein pour l’avenir. Résister, c’est aussi renforcer la détermination d’une population et sa confiance en elle-même. Cette paix négociée ne sera pas évaluée sur les droits et les torts des deux camps, on s’en doute bien, les vrais résultats sont obtenus par l’évaluation du pouvoir des groupes qui s’opposent. Il y a donc des stratégies d’arrangement à mettre en place après une défaite et différents niveaux de mode de consentement. LUTTE INFORMATIONNELLE Dans ce conflit et ses suites, la lutte informationnelle a été prépondérante. Toucher en amont les opinions publiques est un facteur essentiel, pas seulement dans le champ humanitaire. Mettre en place les conditions de dissuasion informationnelle de façon stratégique est un enjeu envisagé par l’ensemble des pays. Le système médiatique, comme la capacité d’action sur les réseaux sociaux, aurait pu être plus significatif : l’utilisation des trolls ou les méthodes de viralisation ont été des instruments largement utilisés par l’Azerbaïdjan. Les mythes sont importants en géopolitique, semble- t-il, mais ils peuvent coûter très cher à la population arménienne. Connaître ses dépendances, les réduire et savoir les gérer est une réflexion importante à mener pour un gouvernement tout comme mettre en avant ses points forts. Une interdépendance choisie et réfléchie est toujours préférable à une politique de girouette affolée. On peut s’étonner, par exemple, que le creusement des lignes de faille entre l’Arménie et ses diasporas, politique rondement menée par l’Azerbaïdjan et la Turquie, ait trouvée un écho dans le gouvernement arménien, alors qu’il s’agit d’un moyen de déstabilisation évident. La manipulation des perceptions de cette guerre a été un enjeu crucial et l’absence de volonté du gouvernement arménien à mettre en place des moyens pour s’opposer à certains aspects de ce conflit hybride a laissé planer un doute sur sa volonté de résistance. Personne ou pas grand monde ne veut saisir qu’il n’a jamais été question de rendre le gouvernement actuel responsable de l’état prédateur instauré par ses prédécesseurs. Mais un ensemble de réactions du gouvernement a entrainé un questionnement populaire sur le fonctionnement, les choix, les options , la communication et enfin de compte la légitimité de ce gouvernement à prendre certaines décisions. Le « tout était déjà prévu » est devenu une litanie entendue de par le monde dans les diverses diasporas et en Arménie même. Il n’existe pas de conflits dont les effets sont indépendants des cadres d’interprétation qui en sont donnés, la guerre Israël/Hamas en donne encore un exemple. Donner une  définition légitime de la situation est un enjeu essentiel, c’est une manière de percevoir la réalité du conflit et va permettre des justifications et des légitimations en terme éthique, juridique ou politique. Une construction de sens dépend des évènements précédents et une analyse chronologique remontant au-delà de 1992 est nécessaire pour comprendre l’apartheid (Taner Akçam.2023) dans lequel ont vécu les Arméniens de l’Artsakh depuis 1918. Il reste aujourd’hui une adaptation du pays aux paradigmes développementalistes des projets de paix proposés aux Arméniens. Le marketing de la rébellion fonctionne bien. Les bailleurs de fonds ont obtenu ce qu’ils souhaitaient, l’abandon et l’exode d’une population entière. Les espaces de mobilisation pour la population et pour l’Arménie ont laissé la place à un champ humanitaire élargi qui permet, il est vrai, l’accès aux subsides occidentales. Le nombre d’appels à projet permet de faciliter le processus de paix, mais favorise aussi l’hétéronomie des formes de développement du pays, tout en marginalisant le contexte de production de la pensée politique. L’approche rationnelle de la guerre des 44 jours et ses conséquences est évidemment nécessaire, mais l’instrumentalisation du symbolique par le président Aliev a joué un rôle important dans sa stratégie. En miroir les Arméniens tentaient de compenser l’asymétrie des forces militaires et des soutiens internationaux en mettant en avant un meilleur statut moral. Il est certain que ces stratégies ne peuvent avoir d’échos et de succès qu’en raison des attentes éthiques existantes dans l’opinion des pays destinataires. La question se pose donc :  de quel genre de reconnaissance ont bénéficié les Arméniens ? Celle de leurs droits ? Celle de leurs propres valeurs ? Celle d’un discernement moral supérieur à celui du gouvernement azerbaïdjanais ? On peut en douter. Sortir d’un conflit armé qui menait de toute évidence à une impasse militaire n’est pas une chose facile, surtout quand l’ennemi est « l’ennemi absolu ». Négocier dans ces circonstances est tout aussi difficile surtout que le premier ministre arménien a répété à l’envie que l’on ne négocierait pas avec Aliev. La confusion des discours officiels arméniens n'a fait qu’ajouter à la confusion originelle sur cette guerre. Faire valoir une certaine image de soi et de sa collectivité est un enjeu pour fortifier une légitimité internationale et cela tient aussi à un capital symbolique. On annonce un rapprochement positif entre Bakou et Erevan, mais dans le même temps des vidéos circulent pour préciser qu’il y a un Azerbaïdjan occidental (l’Arménie) et que Vardenis sur le territoire souverain de l’Arménie doit changer de nom vu son appartenance « historique » à l’Azerbaïdjan. La paix est l’œuvre d’une volonté. Penser que les choses en resteront là est une illusion. Une paix peut très vite s’avérer n’être qu’une simple soumission qui peut se transformer en servitude. A-t-on bien mesuré le calcul d’intérêts des alliances ? Pense-t-on qu’elles pourront empêcher tout désir d’hégémonie de la Turquie et de l’Azerbaïdjan ? Peut-on appeler cela une paix ? Certaines décisions peuvent apparaître, pour les populations, comme la simple manifestation du courage des lâches, d’autant plus que cette paix n’est en aucun cas fondée sur le droit. Il n’y a aucun consentement de la volonté du président Aliev à la loi et aucune exclusion de la violence. Comment refuser l’assistance technique, l’aide humanitaire, l’idéologie du progrès et du développement, un don se refuse-t-il ? Même au prix de l’abandon de la population arménienne de l’Artsakh ?  Mais pour cela il y a une thérapie : la politique de modernisation et de développement, il suffit pour cela de se présenter désarmé et sans défenses, d’adopter le regard de l’autre et de dire qui l’on est avec ses mots comme de lutter avec les seules forces de l’autre. L’exode d’une population entière et la supposée fin du conflit est une victoire pour beaucoup, mais il ne s’agit que d’une victoire sur l’humanité d’un peuple. Les conflits se déroulent, aussi, autour des enjeux symboliques et il en a résulté la dépersonnalisation de l’autre, « l’Arménien du Haut-Karabagh » dont on a mené l’élimination pure et simple comme identité culturelle et par conséquent comme entité politique correspondante. Dans cette guerre comme dans celle qui suivront, semble-t-il, l’absence de qualité morale ou politique ouvre la porte à de nouvelles stratégies de domination et de satellisation. 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  • La communauté rencontre le chef du DFAE et demande un engagement fort en faveur des Arméniens

    Communiqué de presse - le 23 octobre 2023 Le 20 octobre 2023, une délégation de la communauté arménienne de Suisse a rencontré le Conseiller fédéral Ignazio Cassis, chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Étaient également présents à la réunion l’Ambassadrice Muriel Peneveyre et le Conseiller personnel de Ignazio Cassis, Monsieur Cédric Stucky. La délégation a apprécié l’accueil chaleureux et de haut niveau qui lui a été réservé et notamment l’indication que l’aide humanitaire de notre Confédération aux réfugiés du Haut-Karabagh sera à la hauteur dans le cadre de la tradition humanitaire de la Suisse. Le DFAE a rappelé ses trois priorités à la suite de l’attaque du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan le 19 septembre 2023 : a) nécessité d’un cessez-le-feu b) nécessité d’un accès humanitaire au Haut-Karabagh c) nécessité d’un retour aux négociations de paix. La délégation a souligné que si ces points sont nécessaires, ils ne sont pas suffisants. La Suisse doit qualifier l’agression du 19 septembre 2023 de l'Azerbaïdjan contre le Haut-Karabagh de crime contre l’humanité et condamner l’Azerbaïdjan pour le nettoyage ethnique qui s’en est suivi, après un blocus illégal et inhumain du Haut-Karabagh de plus de 9 mois. Elle a insisté sur les lourdes menaces d’invasion pesant sur la République d'Arménie à la veille d’exercices militaires de la Turquie et de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabagh et au Nakhitchevan (annoncés pour le 23-25 octobre), ces deux régions contournant le Sud de l’Arménie. La Suisse n'est pas neutre dans ce conflit, les liens financiers avec SOCAR, société pétrolière d’État de l’Azerbaïdjan bien implantée en Suisse, ne peuvent qu’interroger : près de 37 mia de USD par an de recettes sont générées dans notre pays, contribuant à l’armement de l’Azerbaïdjan. Le Conseiller fédéral a remercié la délégation et est conscient de l’urgence de la situation, tout en soulignant que la souveraineté du territoire arménien doit être respectée. Or, l’Azerbaïdjan occupe déjà plus de 200 km2 du territoire souverain de l’Arménie. Pour la délégation, la Suisse doit soutenir la démocratie arménienne plus clairement face au régime autocratique de Bakou dans le cadre d’une diplomatie de la prévention. Avant une telle invasion, la Suisse doit être prête à mener une activité robuste dans le cadre d’une diplomatie préventive active et sans hésiter à condamner la violation du droit international par l'Azerbaïdjan, comme elle l’a fait pour l’agression de l’Ukraine, condamnant la Russie et appliquant contre elle des sanctions. La délégation a aussi ajouté : qu’un droit au retour des Arméniens du Haut-Karabagh sur leur terre ancestrale serait illusoire sans présence sur place de casques bleus de l’ONU alors que l’Azerbaïdjan dispose d’une politique arménophobe d’État. Insister sur le nécessaire respect des droits humains et des minorités par l’Azerbaïdjan n’est pas suffisant ; la nécessité d’un engagement plus affirmé de la Suisse pour sauver l’héritage culturel et architectural arménien au Haut-Karabagh, berceau de la civilisation arménienne. La Suisse pourrait appuyer la résolution du parlement européen du 5 octobre 2023, qui insiste pour que l'Azerbaïdjan autorise une mission de l'UNESCO et lui donne accès aux sites patrimoniaux du Haut-Karabagh afin de procéder à un inventaire ; la nécessité pour la Suisse d'adopter des sanctions contre Bakou. La même résolution demande à l'Union européenne et à ses États membres d'adopter des sanctions ciblées contre les membres du gouvernement azerbaïdjanais responsables des multiples violations du cessez-le-feu et des droits humains dans le Haut-Karabagh. Les ressources naturelles et les intérêts économiques ne doivent pas prendre le dessus sur les droits humains. La Suisse, membre du Conseil de sécurité de l’ONU, doit s’engager activement pour une diplomatie digne de ses valeurs. Délégation de la communauté arménienne de Suisse : Lerna Bagdjian - Secrétaire de l'Union Arménienne de Suisse, Présidente de la section genevoise des Jeunes Professionnels de l'UGAB (Union Générale Arménienne de Bienfaisance) Alexis Krikorian - Directeur de l'association Hyestart Marlyne Sahakian - Membre de l'Union Arménienne de Suisse Sarkis Shahinian - Coprésident de l'Association Suisse Arménie Contact : Lerna Bagdjian Union Arménienne de Suisse (UAS) Secrétaire Info@u-a-s.ch - lerna.bagdjian@gmail.com +4179.482.83.45

  • Stop au génocide des Arméniens

    Allons en nombre à Bruxelles le 1er octobre pour dire STOP au nettoyage ethnique en cours au Haut-Karabagh (Artsakh) orchestré par l'Azerbaïdjan Un grand rassemblement organisé par le Mouvement "Europeans for Artsakh" aura lieu à Bruxelles le 1er octobre prochain à la veille du troisième sommet de la Communauté politique européenne. Lors ce de sommet, qui aura lieu le 5 octobre à Grenade, une rencontre aura lieu entre Nikol Pachinian, Premier Ministre d’Arménie et Ilham Aliev, Président de la République d'Azerbaïdjan, en présence de Charles Michel, Président du Conseil européen, d’Emmanuel Macron, Président de la République française et d’Olaf Scholz, Chancelier d’Allemagne. Hyestart sera à Bruxelles le 1er octobre et vous invite à venir en nombre pour exiger des actes concrets permettant aux habitants de l’Artsakh de vivre en paix et en sécurité sur leur terre ancestrale et pour : - dire STOP au génocide des Arméniens et à la complicité de la communauté internationale et exiger la reconnaissance du droit à l’auto-détermination des Arméniens de l’Artsakh comme seul moyen d'empêcher et de renverser le nettoyage ethnique en cours. - exiger du Conseil européen des sanctions financières et non-financières contre le régime Aliev (par ex. des mesures d’interdiction de voyager) comme le réclame depuis longtemps le Parlement européen. - exiger à défaut que des pays prennent des mesures de sanctions hors du cadre à 27 qui permet tous les vetos comme celui d'Orban (qui avait déjà libéré R. Safarov, le meurtrier à la hache de Gurgen Margaryan) ou de Meloni. - exiger que la commission européenne mette un terme à son accord gazier de juillet 2022 avec l’Azerbaïdjan qui permet de financer le nettoyage ethnique du Haut-Karabagh et de contourner les sanctions existantes contre le gaz russe (l'Azerbaïdjan important du gaz russe et Lukoil détenant 20% du gisement gazier de Shah Deniz) - exiger que l’Union européenne et ses membres s’engagent par des actes fortes autres que seulement humanitaires pour la protection des Arméniens de l’Artsakh/Nagorno-Karabagh comme ils en ont la responsabilité. - exiger que les responsables du nettoyage ethnique en cours rendent des comptes. D’autres manifestations seront organisées le même jour partout dans d'autres grandes villes européennes : Athènes, Larnaca, Nicosie, Copenhague, Lisbonne, Prague, Sofia, Vienne, Stockholm, Londres, Marseille ou encore Valence. Rendez-vous à Bruxelles le 1er octobre! Pour plus d'informations: https://www.europeansforartsakh.eu

  • La promotion des pratiques autoritaires : le cas de l'Azerbaïdjan

    Dr. Alain Navarra-Navassartian. PhD.Histoire de l’art ; PhD sociologie. Les discours performatifs du président Aliyev s’intensifient depuis quelques temps autour des questions de nationalisme d’autant plus que le 26 août est la fête de la ville de Latchine, présenté comme le jour du rétablissement complet de l’intégrité territoriale azerbaïdjanaise. L’annonce de l’installation de plus de mille familles et la construction de 900 autres maisons a été annoncée devant un parterre de diplomates de l’UE, comme l’ont annoncé les médias azerbaïdjanais, il semblerait que la France a tenté de les en dissuader. Ces actes de langage ne sont pas anodins par leur violence à l’encontre des Arméniens par la référence à un système de conventions, de rituels et une stratégie qui croise les références historiques, le discours politique, la symbolique des récits épiques (le culte du héros) et le nationalisme le plus vindicatif. La victoire a permis de gravir un cran dans la personnalisation du régime et la teneur des discours, si elle reste en grande partie identique à celle des discours de 2020, montre un changement important, même s’il s’agit toujours de démontrer que le groupe arménien du Haut-Karabagh est juridiquement et sociologiquement inférieur. Leurrer sa population en modelant ses croyances au travers du contrôle et de la manipulation de l’information est devenu aussi un enjeu essentiel. Toute cohésion éventuelle des populations est rejetée, ce sont des thèses primordialistes qui mettent en avant des haines immémoriales. Si l’Azerbaïdjan se targue de multiculturalisme et de tolérance, aidé dans cette politique par certains états comme Israël : la prochaine réunion biennale de la conférence des rabbins européens doit avoir lieu du 12 au 15 novembre 2023 à Bakou. On pourrait s’étonner de cela, mais le rapprochement entre Israël et l’Azerbaïdjan est connu depuis longtemps : le Mossad semble avoir une branche en Azerbaïdjan et a même préparé un aérodrome. Quant aux ventes d’armes à l’Azerbaïdjan, c’est un commerce qui existe depuis 2005. Si l’hybridité du territoire s’accommode des diverses communautés en Azerbaïdjan, la « pureté » du territoire est remise en question par les Arméniens. Il s’agit moins aujourd’hui pour le gouvernement azerbaïdjanais de mobiliser les masses qu’à les canaliser dans leur vie privée en créant un consensus autour de la haine de l’Arménien. Unissant la partie informée de la population (citoyens diplômés, usagers des médias ou population ayant accès à l’information internationale, etc.) et les couches populaires. Même si le président Aliyev a le vent en poupe, la popularité est volatile d’autant plus que le clan Aliyev ne partage pas vraiment les bénéfices de la manne pétrolière et gazière. Le conflit ethnique est devenu le ciment d’une cohésion nationale renforcée par la victoire de 2020. L’image d’un pouvoir éclairé et moderne est facilitée par le consensus international autour de la qualification du pouvoir d'Alyiev, mais le sentiment anti-Arménien en Azerbaïdjan permet de canaliser une partie de la société civile, même minime, qui a tenté d’élever la voix contre tel ou tel procédé. Une dissidente connue, pourtant malmenée par le pouvoir, se retrouvait dans les discours performatifs et violents du président Aliyev. L’essentialisation de l’identité semble convenir à tous et à toutes en Azerbaïdjan, tout comme, la tolérance à la violence contre des civils arméniens semble être assez bien partagée. Pourtant il y a eu des individus, une minorité, qui ont appelé le gouvernement azerbaïdjanais à reconsidérer les moyens utilisés pendant cette guerre ou à cesser la communication haineuse contre la population arménienne. Mais Aliyev n’a plus vraiment besoin de dissimuler l’autocratie dans un semblant d’institutions démocratiques, l’Occident lui a accordé un blanc-seing. Le conflit du Haut-Karabagh servant de pivot à sa politique intérieure. Façonner l’opinion publique Acheter des services dans le domaine de la communication et des relations publiques n’est pas un fait nouveau, un certain nombre d’autocrates l’ont déjà fait et le font encore, de Chavez à Nazarbaïev la liste est longue, créer des comités consultatifs internationaux avec dans les comités des personnalités occidentales importantes, notamment du monde universitaire, est tout aussi courant, financer des think tanks, ou créer des conseils de coopération, engager des lobbyistes le sont tout autant. Ce sont des stratégies utilisées par un ensemble de régimes autoritaires. Mais c’est la tolérance à un certains nombres de manquements au droit international, à la liberté d’expression, aux droits fondamentaux dans les pays concernés qui est troublant. Si en 2022, la nouvelle loi sur les médias en Azerbaïdjan soulevait de vives préoccupations en matière de droits humains et de liberté d’expression dans l’UE, si en 2016 les relations de l’UE et de l’Azerbaïdjan butaient sur les droits humains, si en 2018 Rahim Namazov, journaliste, était victime d’une fusillade à Colomiers (France) après avoir dénoncé le régime mais aussi des trafics d’organes pris sur des soldats morts, même si le régime a financé en espèces sonnantes et trébuchantes des responsables politiques ou des hauts fonctionnaires en Europe, la tolérance à son égard est importante et on doit reconnaître à Bakou sa capacité à cadrer et à imposer son interprétation des faits, notamment sur le patrimoine arménien ou sur certains épisodes de la guerre, mosquée transformées en étable, etc. Cette désinformation discrète au début mais persistante devient donc un fait. Précisons que cette stratégie de la communication a fait gravement défaut au gouvernement arménien. La manipulation de l’information n’est pas un fait nouveau, mais l’utilisation des réseaux sociaux et leur rapidité ont changé la donne dans l’information autour du conflit des 44 jours et de la période qui suit le cessez-le feu. Là encore, l’utilisation stratégique par l’Azerbaïdjan de certains réseaux sociaux : tweeter et facebook en particulier a été importante dans leur description des faits et dans la façon d’imposer la « réalité » des faits, arrivant à la relativisation de la notion même de vérité. L’utilisation des instruments de la persuasion comme l’information est un outil essentiel. L’information sert à propager une vision de l’État et de la société azerbaïdjanaise, un narratif plausible à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. La manipulation du champ discursif, la manipulation de certains médias ou de certains producteurs de savoirs a été mise en place très rapidement durant le conflit, première cible : le patrimoine religieux arménien devenu la production des Albanais du Caucase à grand renfort de textes « scientifiques ». En appliquant les techniques des relations publiques, le gouvernement azerbaïdjanais a parfaitement fait passer son message dans un monde occidental prêt à le recevoir sans sourciller. Le gouvernement azerbaïdjanais mène une campagne active de communication sur son image : pages de publicité à destination du tourisme, organisation d’évènements sportifs, financement d’évènements culturels ou de travaux de rénovation de divers monuments en Europe, comme le projet des catacombes de Comodilla à Rome en partenariat avec le Vatican. Ce dernier projet s’inscrivant dans la dynamique d’échanges interreligieux voulue par le pape François mais cette politique de soft power de l’Azerbaïdjan a été mise en place depuis un certain temps : restauration du bas-relief de la rencontre du pape Léon Ier et d’Attila de St Pierre de Rome. Rappelons aussi que le pape n’a pas désigné l’Azerbaïdjan comme agresseur, mais a simplement déploré la crise dans le Caucase du sud. Se rallier des intermédiaires influents dans le monde occidental est une stratégie bien rôdée des régimes autoritaires, il s’agit moins dans le cas de l’Azerbaïdjan d’imposer une idéologie que de manière opportuniste recruter des alliés de choix. Démontrer, avec l’aide de ces alliés que l’Azerbaïdjan est un partenaire économique, culturel et géostratégique d’importance adhérant aux valeurs universelles de l’occident a été un travail mûrement pensé par le gouvernement du pays, qui a saisi l’importance de la culture dans les relations internationales, objet de prédilection des pouvoirs, l’Azerbaïdjan en a fait une sorte de « missile » idéologique, et a mis en place des stratégies culturelles qui sont devenues des outils de prestige et de visibilité. Même si l’universel semble, aujourd’hui, un mythe sans réelle objectivité, mais que l’on impose comme une vérité objective s’acheter une image convenable pour les instances internationales et dans les instances internationales est important pour les régimes autoritaires. Tout comme la culture, l’altérité domine l’air du temps et le discours de la différence et de son acceptation semble occuper une place importante dans les discours du régime autoritaire de Bakou. Durant la guerre le grand Rabbin de Bakou rappelait la tolérance religieuse de l’Azerbaïdjan et la « parfaite réussite du vivre ensemble » dans le pays. Il semble donc que la défense des valeurs normatives dominantes, à savoir le racisme anti-Arménien soit passé inaperçu. Rappelons que le congrès des Rabbins européens se tiendra à Bakou, il est juste regrettable que des hommes de Foi se rallient aussi prestement à une politique étatique. Le multiculturalisme est une pierre angulaire de la politique extérieure de l’Azerbaïdjan, ce qui permet de définir à l’étranger une identité collective et de mettre en place un ensemble de narrations qui décrive la Nation comme tolérante et ouverte. La politique communicationnelle mise en place par le pays depuis le début de la guerre est particulièrement bien menée, il faut réussir à changer l’interprétation que se font les publics des diverses actions contre les droits fondamentaux des Arméniens du Haut-Karabagh (Artsakh) contre le droit de la guerre ou contre les droits de l’homme. On oppose donc le nationalisme minoritaire séparatiste des Arméniens à l’intégration multiculturaliste du gouvernement azerbaïdjanais. Le tour est joué, on propose donc à une population en danger et depuis longtemps brimée de renoncer à sa politique identitaire pour adhérer au mythe du modèle de citoyenneté multiculturelle azerbaïdjanais. Encore une fois, ces techniques sont connues depuis longtemps : Hugo Chavez et l’agence de Deborah James, comme Nazabaïev et Tony blair venu le conseiller après les incidents de Zhanaozen ou encore Poutine et le cabinet américain Ketchum. Il semble, par contre, que le monde arménien en découvrait le fonctionnement ou ne savait pas utiliser un outil important qui est la manipulation. La crise énergétique alimente la source d’alliés et de compétences que représente l’Occident pour ces régimes autoritaires. L’aide trouvée en Europe pour construire son image ou manipuler l’information a été essentielle, pour l’Azerbaïdjan, dans l’interprétation des faits de la guerre des 44 jours. Tous signes de respect au niveau international renforcent les prétentions des dirigeants autoritaires. Les déclarations de Ursula von der Leyen sur l’excellence du partenariat avec l’Azerbaïdjan ont été commentées de façon dithyrambique dans les médias du pays. Si la diplomatie culturelle et sportive fonctionne parfaitement, la volonté de simuler la démocratie et de coopérer avec les puissances occidentales (tout en les dénigrant dans la politique intérieure du pays) est tout aussi important. Il s’agit de dénoncer leurs faiblesses et de les exploiter mais de participer au fonctionnement de certaines institutions internationales et d’en tirer des bénéfices, le cas de la Turquie et de l’OTAN en est un exemple parfait : Erdogan déplie en 2012 les batteries de missiles patriot mais achète à la Russie un système de défense aérienne (missiles S-400) sachant que l’OTAN ne dispose pas de mécanisme permettant d’exclure un État. Tout comme le chantage fait à ses partenaires occidentaux pour qu’ils soutiennent son offensive contre les Kurdes de Syrie. Remodeler l’opinion publique mondiale et se rallier des intermédiaires influents dans le camp occidental est un enjeu important, les réseaux sociaux sont utilisés par les régimes autoritaires pour générer du chaos, mettre en place la propagande la plus mensongère comme la plus raffinée (tweeter est devenue l’arène parfaite pour cela). Les moyens sont multiples pour influencer une opinion publique, un dirigeant de pays démocratique est évidemment plus tributaire de ses citoyens qu’un autocrate et le soutient de l’opinion publique est nécessaire pour lancer une campagne de soutien à telle ou telle cause. Des conseils consultatifs internationaux composés de personnalités occidentales au lobbying parfaitement organisé en passant par la corruption la plus directe, l’Azerbaïdjan n’est pas le premier pays à utiliser de tels moyens, ce qui est le plus surprenant c’est la surprise et le manque de réactions du monde occidental et du monde arménien lui-même face à ces pratiques. Tout le monde désigne Poutine comme le suppôt du mal mais le diable utilisait les services de la société ketchum, société américaine de conseil en communication. La manipulation et l’image sont devenues des armes efficaces. Éroder la cohésion d’institutions internationales voire nationales est un enjeu important pour les régimes autoritaires, alors que les démocraties se trouvent dans des situations périlleuses pour certaines mais pour toutes, le concept de démocratie se redéfinit autour de plusieurs approches. Il s’agit bien d’une bataille d’idées, la guerre en Ukraine a changé la donne sur bien des plans et si pendant un certain temps les gouvernants des régimes autoritaires ne voulaient pas définir un modèle alternatif à la démocratie occidentale, il en va autrement aujourd’hui. Mais le modèle démocratique reste séduisant, encore, pour une majorité d’individus dans le monde et c’est très certainement sa force mais les systèmes non démocratiques sont de plus en plus performants. A bafouer nos propres valeurs, nous entraînons des vagues de désenchantement qui auront des répercussions dans nos propres sociétés. Tromperie, manipulations, propagande et culture La théorie veut que le développement économique permette le changement politique, croissance et développement sont associés au changement. Mais en Azerbaïdjan les hausses de revenus de l’État grâce aux hydrocarbures ne provoquent pas de réels changements systémiques mais transforment le pouvoir par des liens économiques et diplomatiques réguliers avec l’Occident en une démocratie simulée. Depuis des années la fondation Haydar Aliyev avec à sa tête, la première dame du pays, diversifie ses activités (culture, éducation, évènements culinaires, etc.) jusqu’à un rapprochement avec l’Église catholique pour la restauration des catacombes des saints Pierre et Marcellin, le soft power utilisé depuis 2004 est efficace, utilisant des techniques connues des régimes autoritaires depuis longtemps : faire entrer dans différents conseils consultatifs des personnalités européenne (Romano Prodi a occupé pendant un temps un poste dans une société énergétique russe, comme Gerhard Schröder, président de la société pétrolière rosneft, René van der Linden, président honoraire de l’assemblée parlementaire du conseil de l’Europe est dans le conseil de direction de l’université Ada de Bakou, etc.). Jacque Ellul avançait l’idée d’une propagande horizontale efficace, la culture offre un outil parfait pour cette approche. La communication narrative (une mise en avant du récit dans ses divers usages) a été parfaitement maîtrisée par l’Azerbaïdjan alors que dans le camp arménien (diasporas européennes) on commence péniblement a parlé de ces stratégies, c’est d’autant plus important que c’est un outil de gestion et de construction identitaire. Les récits utilisés par les protagonistes de cette guerre servent à légitimer des messages et des actions à destination de la scène internationale mais également à destination de leurs diasporas. Le soft power azerbaïdjanais s’il défend la vision du gouvernement : une approche centrée sur la souveraineté de l’État et le centralisme du pouvoir, offrait aussi aux Azerbaïdjanais en diaspora une image de héros virils s’opposant au monde des « commerçants » réenchantant (Max Weber) un nationalisme qui induit la violence : détruire l’entité rivale à savoir l’Arménien. La stratégie d’influence de l’Azerbaïdjan pouvait se heurter, à son modèle politico-social, il semble aujourd’hui, que l’Occident est prêt à fermer les yeux sur la différence entre la réalité du pays et ce qui est projeté à l’extérieur. En guise d’exemple, dans le cadre du projet « montre- moi l’Azerbaïdjan » en 2022, des bloggeurs européens ont visité le Haut-Karabagh afin de voir les beautés artistiques et naturelles de la région. Il est évident que pour tout individu d’origine arménienne cela passe pour du cynisme mais au niveau de la communication ce fut une réussite : des milliers de vues et de vidéos diffusées dans le monde entier. Nous regrettons une seule chose, que malgré nos demandes. les diasporas arméniennes ne furent pas et ne sont pas capables de mettre en place de telles stratégies. Hyestart ne peut pas assumer seul un processus qui demande compétences, moyens et spécialistes. Le soft power a ses limites, il suppose que l’autre soit prêt à suivre un modèle et l’Azerbaïdjan n’est pas la référence en matière d’incarnation des valeurs universelles qui pourrait entraîner une adhésion à son système politico-social. L’odieux blocus contre la population arménienne de l’Artsakh ne peut que renforcer l’idée que toute la propagande déployée n’est qu’un leurre, si le gouvernement a été parfait pour affirmer des faits erronés, certaines réalités sont impossibles à dissimuler : la prise en otage de toute une population, la famine et l’absence de soins infligée aux malades et à des enfants souffrants, etc. La parfaite image se fissure gravement. Reste l’image ubuesque d’un dirigeant qui laisse entendre que toute victoire émane de sa personne et que l’on appelle dès 2021, le commandant suprême victorieux. Le soft power azerbaïdjanais a intégré des figures mythiques exemplaires, sportifs, héros ou figures tutélaires afin d’offrir l’image d’une communauté guerrière et courageuse alors que le discours arménien s’enfermait dans un périmètre narratif précis : l’humanitaire ou la demande d’attention. Dans un temps de guerre qui voit le retour du héros viril et combatif, cela crée une grille de lecture convenue de la culture arménienne et l’enfermement dans l’ordre humanitaire de la question de l’Artsakh. Save Armenia plutôt que fight with Armenia. La puissance est une interaction qui ne vaut pas dans l’absolu, mais dans une situation donnée et pour une relation particulière (Kenneth Waltz). La puissance est un concept dynamique et multidimensionnel. On peut être dominant dans un secteur donné sans l’être dans les autres. Pour reprendre la notion proposée par Susan Strange, il y a une puissance structurelle que possède l’Arménie en bien des domaines mais aussi les diasporas. La puissance d’attraction du pays est grande : un des États les plus démocratiques de la zone, une culture millénaire, des diasporas activent dans le monde entier, ou encore le nombre d’individus créatifs avec un niveau d’étude élevé. Pourtant le soft power, mis en place tardivement et maladroitement n’a mis en avant que la victime résiliente, bien entendu, l’Arménien victime par définition, vaincu dans une continuité-éternité, finalement rassurante pour le plus grand nombre. 5000 victimes de la barbarie que l’on tolère puisque le mercantilisme l’exige et amputées du sens leur combat. Ce n’est pas tant l’information qui a fait défaut durant la guerre des 44 jours et jusqu’à aujourd’hui, mais c’est la vérification des faits, leur interprétation et leur ciblage qui a été essentiel. L’Azerbaïdjan a parfaitement saisi l’importance de la propagande en contexte numérique, l’utilisant, tout d’abord, autour de l’héritage culturel arménien de l’Artsakh : allant à l’encontre de la multiplicité d’informations historiques, les usagers azéris ou des trolls donnaient une simplification du contexte historique, détournaient la vérité scientifique et attribuaient, en suivant leur gouvernement, l’ensemble de l’architecture religieuse arménienne aux Albanais du Caucase. La simplification du champ cognitif est une tactique importante qui permet à leurs spécialistes, bloggeurs, trolls et autres d’orienter l’opinion et de promouvoir le relativisme en payant par exemple des études pseudo-scientifiques sur les Albanais du Caucase. La fiction au service de la réalité. La volonté de cloisonner et de séparer la population arménienne de l’Artsakh des préoccupations des sociétés civiles occidentales a bien fonctionné jusque- là, la guerre en Ukraine facilitant le processus. Mais le blocus du corridor de Latchine, les déclarations du président Aliyev ou du ministre des affaires étrangères turc démontrent que nous ne sommes plus dans un processus de persuasion et de propagande, mais que la force et la menace sont de retour. Pourtant on s’accorde à normaliser des tactiques douteuses : un convoi humanitaire mené par des politiques français de premier plan a été bloqué à la frontière, des enlèvements d’individus arméniens ou d’étudiants torturés soulignent que la force dicte la loi, le droit dans un ordre guerrier. C’est la ligne de défense même du monde occidental qui est en cause par ce jeu de la définition floue des ennemis à vaincre ou des violations du droit international qui doivent attirer ou pas notre attention. Les régimes autoritaires érodent la confiance dans la démocratie libérale avec beaucoup de facilité et le leadership moral occidental est aisément battu en brèche. Il ne s’agit pas ici de défendre une pastorale pour les dévots des droits humains, mais de voir comment articuler les exigences de l’éthique avec le réalisme de situations données (Stanley Hoffman). Si les démocratures (Pierre Hassner) semblent tant convenir aux instances internationales, ne sommes-nous pas amenés à n’avoir qu’une représentation purement instrumentale de nos démocraties ? Autour des droits humains Le droit international occupe une place importante en tant qu’ordre normatif autonome, mais sa place est marginale par rapport aux justifications politiques et le cas de l’Artsakh et de sa population en est un des multiples exemples. Le droit est constamment violé mais pire encore, évacué du discours destiné à l’opinion publique. La guerre est hors la loi, mais seuls certains coupables de ce crime sont punis. Depuis l’étude fondatrice de Barbara Geddes en 1997, l’étude des régimes autoritaires fait l’objet d’une grande attention et d’un nombre important d’études. Dans le même temps on annonçait la fin des droits humains, on constate plutôt leur institutionnalisation : cour pénale internationale, justice transitionnelle, politique européenne des droits humains, multiplication des ONG de défense des droits humains, etc. Si les droits humains restent évoqués par tous du Nord au Sud, ils sont devenus un champ de bataille, en tout cas un objet de contestation. Nommer, dénoncer, démontrer les violations aux droits humains reste de plus en plus sans conséquences pour les perpétrateurs de crimes qui entrent dans une confrontation politique directe avec ceux qui acceptent les obligations liées à la définition des droits humains. L’Azerbaïdjan fait clairement partie de ces pays. L’ordre international est en pleine modification et transition, certes, mais les droits humains doivent être le critère de légitimité de cet ordre en mutation. Le droit ne peut être érigé en argument politique, c’est un processus dangereux pour nos propres démocraties. C’est dans le champ des droits humains que peut s’exprimer des visions mêmes conflictuelles, mais ce champ permet de garder en point de mire le vivre en commun, laisser bafouer les droits de certaines populations comme celle des Arméniens de l’Artsakh est aussi accepter la remise en cause du fonctionnement de nos organisations sociétales, mais pas pour le meilleur. A justifier ses manquements aux droits humains, l’Occident sème le doute sur son engagement réel envers le système démocratique. Le National Intelligence Council américain prévoit que d’ici quinze à vingt ans le modèle d’État libéral sera concurrencé par un capitalisme d’état. Viktor Orban ne souhaitait-il pas un État « illibéral » ? Freedom house notait en 2018 un recul dans le niveau démocratique mondial et dans le même temps varieties of democracies pointait du doigt un processus « d’autocratisation » dans le monde. La politique de l’UE en faveur de la démocratie ne reçoit plus autant d’échos favorables, on peut même avancer que l’on y oppose, dans certains endroits du globe, une réelle résistance. A force de compromis d’aveuglement, l’UE se trouve démunie pour appréhender une quelconque riposte aux calculs de régimes autoritaires dont les chefs de gouvernement ont décidé d’endosser le costume du héros protecteur et viril balayant d’un revers de la main les rodomontades sans effet d’une Union européenne perdant de plus en plus de crédibilité par le manquement constant à ses valeurs. Alors même que le système démocratique continue d’être une inspiration majeure dans le monde. Si l’UE occupe toujours la troisième place dans le commerce mondial, sa part est aujourd’hui de 16,5%, elle était de 18,8% en 2009, les pays à régime autoritaire sont de plus en plus performants et l’UE pour différentes raisons ne semble plus être un pouvoir de transformation. Notre ordre politique moderne n’est-il capable que de créer un mécanisme de protection de la violence seulement en acceptant le transfert de celle- ci loin de chez nous ? A quoi bon alors ériger des normes comme la responsabilité de protéger ? Les Arméniens de l’Artsakh seront donc les « victimes sacrificielles » tolérées par un ordre international qui remet, par là même, en cause les progrès du droit international. Constatant l’attitude de l’Azerbaïdjan durant la mise en place de ce blocus, qui peut encore croire que la population arménienne vivra en sécurité sous le joug de l’Azerbaïdjan. Qui peut croire en une sécession interne, alors que le nationalisme le plus haineux et le plus vindicatif s’exprime depuis des dizaines d’années contre les Arméniens depuis le régime soviétique ? Aucune volonté d’inclusion de la part du groupe dominant et pire encore l’exclusion du groupe arménien est devenue un outil de stratégie politique intérieure et d’identité nationale. Le redéploiement des populations se fait autour des discours de haine à l’encontre des Arméniens. Qui peut croire que cette population sera en sécurité ? A moins que l’on décide sciemment de fermer les yeux sur les structures sociales qui induisent le cycle de la haine raciale et de son utilisation politique. Il y a différentes façons d’accélérer un déclin historique. La Syrie en a été un bon exemple, après le déshonneur ce fut la guerre, pour paraphraser Churchill, mais cela peut être aussi le chaos. A prendre l’habitude de ne rien attendre de la communauté internationale, à se rendre compte que les mécanismes incitatifs sont devenus inutiles, que l’outrage aux valeurs défendues par l’UE est monnaie courante au sein même de l’Europe, c’est la confiance dans l’intégrité et le libéralisme des gouvernements démocratiques qui est en jeu. Si ne pas prêter attention à une population en danger est un crime, c’est aussi une grave faute politique. Si l’absence de clarté morale est une évidence dans le cas de l’Artsakh, il démontre aussi une absence de vision stratégique. Il ne s’agit pas d’être naïf et les interventions internationales sont sujettes aux contingences du moment (nous entrons dans le champ miné de l’éthique dans les relations internationales), mais il y a ce que Weber appelait la « morale de la responsabilité » qui devrait dépasser le simple raisonnement comptable. Nous devrions être, nous-mêmes, vigilants et porter un regard attentif sur les processus d’atomisation d’une population par le gouvernement Aliyev qui transforme cette population en une masse d’individus isolés sans recours possibles puisque les barrières légales ou les décisions juridiques internationales sont ignorées par le président Aliyev. Il y toujours cette idée exaspérante que les opprimés ne peuvent agir de manière efficace, la population de l’Artsakh a démontré le contraire, mais l’ordre international n’aime pas être dérangé, alors la trahison des peuples opprimés devient un fait coutumier des relations internationales, le peuple syrien en est un bon exemple. Il nous reste à être « les géographes de la mort » et constater comment nos démocraties accréditent la domination par l’imposture ou la violence plutôt que privilégier la justice. A nous de savoir si nous ne voulons être en Europe que « les concierges de la lâcheté » (Mathias Enard) Bibliographie Acemoglu D., Robinson James, Economics origins of dictatorship and democracy. Cambridge. 2006 Adams L., Rustemova A., Mass spectacle and styles of governmentability. Europe-Asia studies. 2009 Alston P., Megret F., The United Nations and human rights. A critical appraisal. Oxford university press, 2020 Barry. C., Clay.K., Flynn M ; Avoiding the spotlight : human rights shaming and foreign direct investment. International studies quartely. Vol 57, 2013 Blair G., Coppock A., Moor M., When toworry about sensitivity bias : A social reference theory and evidence from 30 years of list experiments. American political science, 2020 Boix C., Svolik M., The foundations of limited authoritarian government : Institutions, commitment and power sharing in dictatorship. Journal of politics, 2013 Brownlee B., Authoritarianism in an Age of democratization, Cambridge University press, 2007 Carter Erin and Brett, Propaganda in autocraties. University of southern California. Cooley A., Authoritarianism goes global : countering democratic norms. Journal of democracy. vol 26, 2015 Enikopolov R., Petrova M., Zhuravskaya E. ; Media and political persuasion : evidence from Russia, 2011 Gall. C., Turkey gets shipment of Russian missile system, defying US. New York Times, 12 juilllet 2019 Mendick R, Tony blair gives Kazakhstan’s autocratic president tips on how to defend a massacre. Telegraph, 24 août 2014 Groupe de travail de l’OCDE sur la corruption, 2018 Enforcement of the antibribery convention, décembre 2019 Smith Myles.G ; Kazakhstan : CNN blurs line between news and advertising, eurasianet, 20 juillet 2012.

  • Culture, pouvoir et relations internationales. L’Arménie.

    Alain Navarra-Navassartian A l’heure ou 120 000 individus arméniens du Haut-Karabagh (Artsakh) sont abandonnés à leur sort, les appels de diverses personnalités, d’ONG ou de d’hommes et de femmes politiques ne semblent pas avoir de réel impact sur les décisions concernant la survie de ces femmes, enfants et hommes coupés du monde par un blocus illégal et inhumain de l’Azerbaïdjan. Les appels se multiplient, soulignant la proximité culturelle des populations arméniennes avec l’Occident dont on « attend un geste ». A grand coup d’images ou de slogans appelant à la conscience humanitaire des dirigeants occidentaux. La rencontre de la culture arménienne avec la culture européenne semble être lettre morte, mais le phénomène est intéressant puisque l’on demande à la culture de convaincre du bon droit de ces populations à leur existence sur ce territoire. La volonté de démontrer la nature réciproque de relations culturelles est certes un outil important, mais il est utilisé de façon chaotique, tardive et de manière désordonnée par l’ensemble des communautés arméniennes, voire par l’Etat arménien, lui-même. La culture est devenue un enjeu essentiel, objet de prédilection des pouvoirs, elle est pourtant un objet aux contours flous. Terme polysémique, la culture se verra définie par E. Tylor comme : « une totalité complexe qui comprend les connaissances, les croyances, les arts, la loi, la morale, les coutumes et tout autre capacité acquise par l’homme en tant que membre d’une société ». Si la culture est une sorte de missile idéologique pour la Turquie ou l’Azerbaïdjan, qu’en est -il de son utilisation par l’Etat arménien ou les diasporas arméniennes ? ACTIONS CULTURELLES, DIPLOMATIE CULTURELLE ET RAYONNEMENT CULTUREL L’utilisation de la culture comme outil de pouvoir n’est plus à démontrer, mais il apparaît que le développement des stratégies culturelles fait défaut à l’ensemble des acteurs institutionnels arméniens (État, ONG, associations diasporiques, etc.). L’hégémonie symbolique compte autant dans la balance des pouvoirs que les déterminants matériels classiques (démographie, armée, économie, etc.). Outil de visibilité et de prestige l’enjeu culturel s’est imposé comme un vecteur d’influence sur la scène internationale. Les stratégies culturelles sont de plus en plus ciblées pour soutenir leur impact politique. La culture doit donc séduire, mais aussi influencer des idées et des savoirs dans la perspective de rayonnement mais aussi d’attractivité. Il y a bien longtemps que la culture s’immisce dans la formulation de la politique étrangère (Gerbault 2008, Bellanger 1994). La richesse du paysage culturel, la faculté de renouveler les stéréotypes et les représentations que l’étranger a d’une identité collective qui se réfère à un ensemble de narrations qui décrive la Nation sont des enjeux cruciaux. Tout cela s’inscrivant dans une stratégie d’attractivité tant pour les individus, les entreprises ou les opinions publiques (Tessler 2010). Aussi doit-on poser l’actualisation des déclinaisons des divers modèles culturels arméniens selon un ensemble de critères contemporains. L’identité culturelle ne peut plus se confondre avec des cristallisations immuables, tout comme l’identité, il ne s’agit pas « d’une totalité continue » stable et simplement transmissible. C’est un phénomène dynamique qui dépend grandement de la créativité des différents acteurs et de leur rencontre avec un ancrage historique. Un ensemble de processus complexes et singuliers par lesquels l’acteur culturel arménien donne un sens à son « être Arménien ». Le renouvellement ne doit pas effrayer ou se vivre en termes de perte ou d’oubli. Reconsidérer de nouveaux acteurs, partenaires ou du moins, certains rôles est essentiel à la lumière de la nouvelle donne qui frappe le monde arménien. Il ne s’agit pas d’ériger l’altérité en étrangeté. Défendre la musique de Komitas, faire connaître les manuscrits arméniens est une évidence, tout comme, l’apport de ces objets culturels à la culture mondiale, mais dans la situation particulière que traverse le monde arménien, il s’agit de saisir comment l’identité culturelle doit se penser à partir des ressources mobilisables dans ce temps précis et dans la contemporanéité pour sa construction et des stratégies à utiliser pour sa diffusion. Sortir des représentations figées ou des habitus culturels réifiés, s’adapter aux exigences situationnelles tout comme aux contraintes socio-politiques actuelles est un enjeu de taille pour ne pas y perdre son âme tout en utilisant et comprenant le rôle de la culture dans le jeu géopolitique. La Turquie comme l’Azerbaïdjan en ont saisi l’importance dans un moment ou la géo-culture a pris un essor inédit. L’information et la culture se présentent comme les nouvelles sources d’influence et de légitimité, la capacité à produire des objets culturels, mais aussi la capacité à produire de l’information autour d’eux devient une nouvelle norme d’évaluation du pouvoir. Les institutions arméniennes ou les associations diasporiques sont loin d’en avoir compris l’enjeu (absence de diversification des canaux d’information et de communication, contenus à destination des opinions publiques, etc.). La diplomatie du public est encore méconnue et on s’étonne que l’identité vécue soit si différente de l’identité assignée par les autres. NARRATIF ARMÉNIEN La communication narrative est une mise en avant du récit dans ses divers usages, c’est un outil de gestion et de construction identitaire. Les groupes arméniens utilisent beaucoup les figures exemplaires ou les récits testimoniaux et il y aura là, un parallèle à faire avec les mythes et leur fonction. Ces récits servent à légitimer des messages et des actions. La méfiance avec laquelle est par contre utilisée d’autres figures tutélaires (Monte Melkonian) est un indicateur des marqueurs dans le discours arménien, dans le format et le genre qui permet d’identifier ce discours, mais aussi l’enfermer dans un périmètre narratif précis et de plus en plus restreint : l’humanitaire, le mémoriel, l’absence du politique ou la demande d’attention. Tout cela crée un rapport avec le public, une sorte de grille de lecture convenue de la culture arménienne. On demande à des Etats de « nous venir en aide » et aux publics « d’avoir du cœur ». La cause arménienne ne faisant plus partie que d’un vaste marché caritatif. Industrie de production et redistribution de dons impliquant des officines de démarchage, des donateurs et des gestionnaires de la manne caritative. La cause arménienne est enfermée dans l’ordre humanitaire avec l’assentiment d’une grande partie de la population diasporique. Mais le plus incroyable est que la victime arménienne est dévalorisée, dépouillée, exclue du conflit, une abstraction gênante. Le conflit des 44 jours l’a démontré tout comme le blocus qui prive 120 000 individus arméniens de moyens de survie. Les victimes arméniennes ne sont plus qu’une bande de « désespérés » hors du champ politique. La culture, si elle permet à des régimes autoritaires de s’acheter une image convenable dans les instances internationales doit permettre à des peuples, comme les Arméniens, de sortir de l’injonction victimaire et de saisir comment la culture permet d’obtenir une certaine puissance à un moindre coût et contribue à un droit à la parole plus fort usant du capital de réputation que procurent certains objets culturels. Si la culture a un effet endogène (elle soude le groupe) ,elle a aussi un effet exogène (elle détermine les sentiments des groupes extérieurs). Il faut sortir la cause arménienne du marché de « l’humanitarisation » qui en modifie les structures de pensée et d’actions. Tout marché a des impératifs, notamment celui de la promotion. Donc on a assisté durant la guerre des 44 jours et le blocus qui se poursuit, à une accumulation d’images tragiques et de tragédies gérées de façon plus ou moins rationnelle faisant émerger l’image de la victime résiliente. On en oublierait presque que dans les communautés traditionnelles arméniennes, il y avait une prétention et une volonté à gérer sa destinée, y compris les armes à la main. Les victimes ne vivifient en rien les communautés politiques défaillantes, sinon les faire plonger dans un tiers ordre humanitaire et de déployer la cause arménienne, essentiellement sur le marché caritatif qui privilégie le cœur sur la raison, mais surtout le cœur sur le droit de ce peuple. D’autant plus que les victimes arméniennes sont dévalorisées, voire exclue du conflit. Elles ne sont qu’une bande de « désespérés » hors du champ politique. Quelle place, donc, pour cette population arménienne du Haut-Karabagh (Artsakh) ? Si l’on parle autant de son héritage culturel, n’est-ce pas pour mieux en ignorer les droits fondamentaux ? On espère que s’instaure un « régime de tolérance » de la part du gouvernement azerbaïdjanais en oubliant la crise de l’inclusion sociale et politique de ce groupe qui depuis des décennies est traité comme un intrus, un ennemi et dénigré en tant que tel. Les effets discriminatoires d’une telle politique se sont cristallisés dans les pogroms de Soumgaït (février 1988) et de Bakou (janvier 1990) et la destruction du cimetière de khatchkars de Djougha (Nakhichevan) qui s’étend de 1998 à 2005. CULTURE ET UNIVERSALISME : UN MYTHE ? L’universel semble aujourd’hui un mythe sans réelle objectivité, mais que l’on impose comme une vérité objective, associée au terme de progrès. Ils sont devenus des maîtres mots pour la construction de la paix dans la région. Faudrait-il déjà préciser quel type de paix on propose à la population arménienne du Haut-Karabagh (Artsakh). Est-ce vraiment celle qui fait régner le droit des peuples à l’autodétermination ? Ici la paix semble s’acheter pour la défense de l’universel et surement pas pour la défense de particularités qui viennent déranger cet ordre. On refuse la guerre, mais dans le même temps on en accorde le droit à certains régimes pour la défense de l’identité que l’on refuse à d’autres. Les Arméniens du Haut-Karabagh ont eu la prétention de régler leur exclusion du système dominant azerbaïdjanais par le politique et pas seulement par la culture. On leur rappelle que le droit international a déjà remplacé le politique, qu’il n’y a plus de place pour le « contexte » ni pour « l’arbitraire des situations » qu’il y a bien un ordre universel imposé par l’Occident et que l’on est prié d’y croire au mieux d’y souscrire puisque son terreau de prédilection est les droits de l’homme. Les éthiques particulières sont bannies, l’ennemi commun varie au gré des intérêts. Culture et realpolitik deviennent indissociables, la culture permet à des régimes autoritaires de s’acheter une image convenable dans les instances internationales et deviennent de parfaits entrepreneurs culturels. La Turquie, l’Azerbaïdjan ou la Hongrie en sont les parfaits exemples. Les politiques culturelles se tournent vers la construction nationale depuis bien longtemps ; si la libéralisation de l’économie et la mondialisation des échanges a ouvert la voie aux fondations philanthropiques en faveur de la création artistique, le discours sur la culture reste le miroir identitaire de la nation, façonné par les codes sociaux et les conventions du moment. Orban le déclarait en 2018 : « Nous devons défendre notre identité et notre souveraineté culturelle dans le tourbillon de la guerre culturelle européenne ». S’il faut se réjouir du rôle de la culture, il faut pourtant y mettre un bémol ; il faut savoir utiliser les nouveaux modes de fonctionnement du jeu géoculturel. Un système culturel se définit par un mode de communication, c’est-à-dire, le dispositif intellectuel qui est mis en œuvre pour produire, valider, et transmettre les connaissances et les cadres normatifs de l’action. L’ORDRE CULTUREL ARMÉNIEN L’ordre culturel arménien ne faillit pas à la règle, le pouvoir s’y exerce et induit le sens de la communication culturelle, mais savons-nous interroger nos pratiques culturelles ? En pratiquer l’archéologie ? Préférons-nous adhérer à cette vision de la culture : « quelqu’un qui parle confusément à d’autres qui ne comprennent que ce qu’ils veulent bien entendre à propos d’autres qui ne se manifestent que par symptômes » ? La culture semble être le dernier instrument de défense autorisé aux Arméniens, sachons l’utiliser au mieux. Comment un pays et dans le cas arménien des diasporas peuvent-ils développer un pouvoir d’attraction culturelle s’ils ne sont pas une figure de menacer ou utiliser la culture pour convaincre du bon droit ? L’Arménie a perdu une guerre, mais l’issue de cette guerre repose aussi dans les mains des vaincus, à la condition de sa métamorphose civile, à condition que l’on retourne la dépossession et que l’on sorte de l’exemplarité qui nous rive à notre condition de vaincu. La culture est un outil important de ce processus. La gouvernance culturelle est à revoir tout autant dans le pays que dans les diasporas. Il est important, par exemple, d’avoir une idée plus précise des individus, des groupes ou des institutions qui peuvent jouer le rôle d’agents culturels, à savoir, ceux qui mobilisent ou coordonnent les ressources qui visent à l’accompagnement des artistes, à la création de nouveaux réseaux, ceux qui appuient les industries culturelles et créatives tout comme ceux qui œuvrent à la promotion des savoirs et échanges. S’interroger sur les nouveaux acteurs avec lesquels interagir devient une nécessité, les diasporas sont en ce sens de bons agents culturels potentiels, mais il faut des pôles d’expertise et de consultation et un véritable réseau qui saura créer ou consolider les relations avec les institutions internationales et les publics étrangers. La déclinaison de plusieurs modèles selon un ensemble de critères contemporains est nécessaire tout comme l’analyse précise du champ d’actions et d’interventions avec les différents acteurs publics et privés. L’Arménie se targue, par exemple, de la performance du numérique dans le pays et cela offre de vastes possibilités dans le champ culturel, notamment, la production de contenus artistiques en temps réel et qui permet des partenariats novateurs. On ne peut ignorer une nouvelle géopolitique de la culture sous peine de voir la production arménienne être enfermée dans une « kermesse folklorique » pour le plaisir de publics friands de world culture. Situer l’Arménie et les diasporas sur la nouvelle cartographie des échanges culturels est une urgence. Penser la culture ou faire de la culture c’est aussi faire de la politique, au bon sens du terme, la prise en compte des enjeux de pouvoir et la construction d’une communauté de destin. Quelle culture veux-t-on montrer aux autres pour se faire connaître ou reconnaître ? « Il n’y a finalement rien de plus international que la construction d’une identité nationale » (Anne-Marie Thiesse). L’écriture de l’histoire, c’est aussi l’histoire des choix culturels montrés au monde. De nouveaux acteurs pour une nouvelle géopolitique de la culture qui sauront utiliser les moyens d’influence moderne dans un monde de plus en plus multipolaire ou les centres de pouvoir sont en mutation laissant davantage de place aux cultures émergentes. La culture est un outil de pouvoir et de persuasion, c’est un enjeu que le gouvernement azerbaïdjanais a bien compris. CULTURE ET MULTICULTURALISME Le discours sur l’altérité domine l’air du temps et le paradigme de la différence semble occuper une place importante dans le discours du régime autoritaire de l’Azerbaïdjan, mais l’appartenance identitaire et culturelle est immédiatement mise en exergue concernant la population arménienne du Haut-Karabagh /Artsakh). Du discours « d’ouverture » en direction de l’Occident on arrive bien vite à la défense des valeurs normatives dominantes, à savoir, le racisme anti-arménien. Le multiculturalisme est une pierre angulaire de la politique extérieure de l’Azerbaïdjan, durant la guerre des 44 jours, les médias officiels et étrangers ont diffusé les témoignages de personnalités de différentes communautés arguant de la tolérance et de la volonté de faciliter le « vivre ensemble » du gouvernement Aliyev. Adoubé par l’Europe, mais confronté à de plus en plus de voix qui s’élèvent contre le blocus qui isole et affame plus de 120000 individus arméniens. Le gouvernement azerbaïdjanais utilise la culture et le mythe du multiculturalisme azerbaïdjanais comme des stéréotypes permettant de définir à l’étranger une identité collective et mettre en place un ensemble de narrations qui décrive la nation comme tolérante et ouverte. Le changement de l’image du pays passe par cette entreprise de nation branding. Il faut réussir à changer l’interprétation que se font les publics des diverses actions contre les droits fondamentaux des Arméniens, contre le droit de la guerre et contre les droits de l’homme mené par le gouvernement Aliyev. En ce sens les actions culturelles soutenues par l’Azerbaïdjan à l’étranger, comme l’insistance sur le multiculturalisme national, peuvent être comprises comme intégrant la diplomatie culturelle menée depuis des années par le pays. Dans les discours nationalistes du président Aliyev le multiculturalisme est un outil de persuasion. On oppose le nationalisme minoritaire séparatiste des Arméniens à l’intégration multiculturaliste du gouvernement azerbaïdjanais. Mais on est en droit de douter que cette intégration soit une donnée aussi « naturelle » dans l’imaginaire social de l’Azerbaïdjan que le clame le gouvernement. Il s’agit plutôt d’une stratégie temporaire en direction des alliés et des publics occidentaux. Ainsi, on propose à une population en danger de mort de renoncer à « sa politique de différence identitaire » pour adhérer au mythe du modèle de citoyenneté multiculturelle azerbaïdjanais. C’est faire peu de cas de l’histoire de la population arménienne de ce territoire depuis des centaines d’années : des pogroms (Soumgait et Bakou), des inégalités sociales durant tout le régime soviétique, et une volonté d’éradication culturelle qui est suivi dans les termes azerbaïdjanais ou turcs d’une menace de génocide. Passer de la haine à la proximité à l’individu arménien semble pour l’instant impossible en Azerbaïdjan. Le croire relève d’une naïveté criminelle alors que tous les paramètres montrent que l’on est plus dans l’idée d’une absorption ou d’une élimination de cette population arménienne. Il suffit de rappeler les discours du président Aliyev contre les Arméniens ou les actions menées contre les dissidents azerbaïdjanais pour comprendre que le désir d’uniformité est le plus fort. Il est impensable de croire que l’on puisse permettre une prise de conscience positive des différences ni à l’encontre des Arméniens, ni à l’encontre des minorités azerbaïdjanaises. Il ne s’agit pas ici d’un simple droit à la différence, mais de la survie d’une population. Pourtant le mythe de l’unité qui s’effondre en Occident est un des arguments imposés à une population qui n’a jamais été intégrée dans la construction nationale azerbaïdjanaise. Être Arménien en Artsakh (Haut-Karabagh) n’est pas une simple identité personnelle ? Elle est aussi une identité collective car chaque individu soutient et protège une communauté sociale et politique sans laquelle l’être Arménien ne pourrait plus s’exprimer et être partagé ? Pourquoi avons-nous si peur de la demande de reconnaissance de ce peuple arménien comme d’autres par le monde ? Pourquoi y opposer un idéal d’universalisme bafoué en permanence, de démontrer de façon mensongère qu’il ne s’agit que d’une simple revendication identitaire en voulant y jeter la confusion et l’ambiguïté ? On reproche à ces populations de s’opposer à la justice en voulant la fragmentation et la séparation au lieu d’un monde commun, mais les Arméniens ont une longue habitude de la reconnaissance sans justice réelle, de l’impartialité sans la reconnaissance des faits historiques et ceci est profondément injuste. L’universalisme abstrait occidental, le refus de reconnaître aux peuples le droit de se gouverner eux-mêmes, ou la politique du double standard que l’on oppose à cette population arménienne relève d’un refus d’équité et de négation qui frappe d’autres peuples, les Kurdes ou les Palestiniens par exemple. On contourne le drame de ces populations par l’impartialité qui rend abstraite leurs souffrances ou les renvoie dans le champ de l’humanitaire. CONCLUSION On propose donc aux Arméniens de l’Artsakh (Haut-Karabagh) le faux-semblant d’une égalité individuelle avec les Azerbaïdjanais, mais pas collective. On renie donc toutes les dimensions sociales et politiques de cette pseudo-égalité. Il ne s’agit pas d’un groupe désincarné, anhistorique et abstrait telle que la communication azerbaïdjanaise veut le démontrer depuis plus de deux ans. L’Europe ne cesse de parler du respect de l’individu, mais cela passe par le respect de la reconnaissance de l’identité collective dont il se réclame et on est loin du compte en Azerbaïdjan avec les Arméniens du Haut-Karabagh (Artsakh). Quelle est cette conception de la justice sans l’attention que l’on doit porter à la demande de reconnaissance de cette population ? La population arménienne de ce territoire s’est trouvée, en permanence, exposée à des désavantages dans les échanges sociaux du fait d’une caractéristique qu’ils détiennent collectivement : être Arménien. Parler de la pluralité culturelle sans une structure de domination ne semble pas être très approprié. Qui pourrait croire à une inclusion pacifique de la population arménienne en Azerbaïdjan ? Il ne s’agit pas d’opposer des cultures différentes, au risque d’être pris au piège d’une opposition civilisationnelle qui intéresse plus l’Occident que les populations locales, mais de l’identité qui suscite une conscience d’appartenance qui délimite les frontières ethniques, le « eux contre nous » et qui conserve toute sa pertinence sociale et met en évidence le danger encouru par la population arménienne. La culture est là pour renforcer l’identité ethnique qui occupe une place importante dans la norme identitaire de la société azerbaïdjanaise. Contrairement aux sociétés occidentales qui refusent d’admettre que la norme identitaire reste ethnique ou raciale, l’Azerbaïdjan, comme d’autres pays, ne le dissimule en aucun cas. La population arménienne du Haut-Karabagh a toujours été vécue comme une « intruse » dans l’imaginaire national azerbaïdjanais, en reprenant ici la configuration formalisée par Norbert Elias de established/outsiders.

  • Pour des sanctions européennes à l’encontre de l’Azerbaïdjan

    (English follows) Dans la nuit du 12 au 13 septembre, l’Azerbaïdjan a lancé une attaque militaire de grande ampleur contre l’Arménie bombardant des villes comme Djermuk, Goris, ou encore Vardenis. En ayant recours à l’artillerie, aux mortiers, à des armes de gros calibre, ou encore à des drones, cette attaque a conduit à la destruction ou à l’endommagement de nombreuses infrastructures civiles dont plus de 200 maisons, a déplacé 7600 personnes et a tué au moins 135 personnes (militaires et civils). L’équivalent de 1845 personnes en Ukraine. En conséquence de cette invasion de l’Arménie, au moins 15 km2 supplémentaires de territoire arménien est désormais occupé par d’Azerbaïdjan. Ce sont désormais, selon les estimations, entre 50 et 150 km2 du territoire souverain de l’Arménie qui est occupé par l’Azerbaïdjan. À la suite de cette dernière attaque, il y a également de nouveaux prisonniers de guerre arméniens qui viennent s’ajouter à ceux que l'Azerbaïdjan maintient en détention dans les pires conditions depuis la guerre de 2020, en violation flagrante du droit international. La vidéo atroce d'une femme soldate arménienne déshabillée et démembrée par les soldats azéris circulerait sur Telegram. Au Conseil de sécurité de l’ONU à New York le 15 septembre, alors qu’un cessez-le-feu fragile était en place, l’Inde a désigné l’agresseur azéri et la France a demandé un retour des troupes azéries à l’intérieur de leurs frontières tout en rappelant son engagement au travers du groupe de Minsk pour trouver une solution pacifique au conflit du Haut-Karabagh. Face à ces agressions à répétition de l’Azerbaïdjan contre le peuple arménien, alors que l’Azerbaïdjan bénéficie du soutien plein et entier de la Turquie et du soutien ambigu de la Russie avec laquelle ce pays a signé un partenariat stratégique à la veille de l’invasion russe de l’Ukraine, il est grand temps que l’UE sanctionne l’Azerbaïdjan et les élites de ce pays, sur le modèle de ce qui a été fait et est fait pour la Russie. A défaut, c’est toute l’Arménie qui est aujourd’hui menacée, en plus des Arméniens de l’Artsakh (Karabagh) qui, pour Aliev, n’existent déjà même plus. Le 10 mars 2022, le Parlement européen adoptait une résolution historique condamnant la politique étatique d’arménophobie en Azerbaïdjan, mais n’avait malheureusement pas souhaité y adjoindre un régime de sanctions en cas notamment de poursuite de la destruction du patrimoine culturel et religieux arménien de l’Artsakh (Karabagh). Il est grand temps aujourd’hui pour le Parlement européen de corriger le tir en adoptant un régime de sanctions à l’encontre de Bakou qui couperait par exemple les investissement de deux milliards d’euros que l’UE a prévu de mobiliser en Azerbaïdjan au cours des prochaines années en cas de nouvelles attaques meurtrières de l’Azerbaïdjan sur le territoire souverain de la République d’Arménie ou à l’encontre de la population de l’Artsakh. Des sanctions visant le régime en place ou des personnes gravitant autour du régime devraient également être envisagées. L’économie de l’Azerbaïdjan pourrait facilement être « mise à genoux ». Car si la commission européenne estime avoir besoin du gaz azéri pour passer l’hiver, n’oublions pas que l’Azerbaïdjan a aussi besoin des clients européens. Sur la carte mondiale des sanctions de l’UE, il est affligeant de voir que l’Azerbaïdjan n’y figure pas, au contraire bien sûr de la Russie, mais aussi de la Turquie, de l’Iran, du Vénézuéla ou encore du Myanmar. www.sanctionsmap.eu/#/main Le parlement européen doit enfin adopter un régime de sanctions contre l’Azerbaïdjan et doit contraindre la Commission européenne à revoir sa politique de soutien à un pays dont le racisme d’état anti-arménien a été mis en avant par la Cour internationale de Justice (CIJ), le Parlement européen et le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU (CERD), qui occupe une partie de l’Arménie et menace de prendre le reste par la force. Ursula von der Leyen, lors de son discours sur l’état de l’Union le 14 septembre 2022, a prononcé 22 fois le mot « Ukraine », deux fois le mot « Géorgie » et pas une seule fois le mot « Arménie » alors qu’au moment même de son discours, celle-ci était une nouvelle fois attaquée de la plus violente des manières qui soit par un pays qu’elle avait désigné à Bakou, le 18 juillet dernier, comme un « partenaire de confiance ». Ce même jour, sa commissaire à l’énergie, l’Estonienne Kadri Simon avait honteusement parlé de « journée historique ». Elle devrait, à défaut de démissionner, pour le moins présenter des excuses. Alors que l’un des personnages les plus importants de l’Etat américain, la Présidente de la Chambre des Représentants Nancy Pelosi, est à Erevan ce week-end en solidarité avec l’Arménie, la crédibilité de l’Union européenne dans la défense cohérente et systématique, et non pas à géométrie variable, de « ses » valeurs sur l’ensemble du continent européen est ici en jeu. A défaut, en l'absence de toute action digne de ce nom de la part de la Commission, le Parlement européen dispose d’une arme à l’endroit de la Commission, la motion de censure qui l’obligerait alors, si elle obtenait la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et la majorité des membres du Parlement européen, à démissionner de manière collective. The Need for European Sanctions against Azerbaijan On the night of 13 September, Azerbaijan launched a large-scale military attack against Armenia shelling Armenian towns such as Goris, Jermuk, or Vardenis. Using artillery, mortars, large-caliber weapons, or UAVs, this attack led to the destruction or damage of numerous civilian infrastructures including more than 200 houses, displaced 7,600 people and killed at least 135 people (soldiers and civilians) -- the equivalent of 1845 people in Ukraine. As a result of this invasion of Armenia, at least another 15 km2 of Armenian territory came under occupation by Azerbaijan. There is now, according to estimates, between 50 and 150 km2 of the sovereign territory of Armenia which is occupied by Azerbaijan. As a result of this latest attack, there are also new Armenian prisoners of war in addition to those that Azerbaijan has been keeping in detention in the worst conditions since the war of 2020 in clear violation of international law. The atrocious video of an Armenian female soldier being stripped and dismembered by Azeri soldiers is reportedly circulating on Telegram. At the UN Security Council in New York on 15 September, as a fragile ceasefire was in place, India named the Azeri aggressor and France demanded a retreat of Azeri troops to their borders, while recalling its commitment through the Minsk Group to find a peaceful solution to the Nagorno-Karabakh conflict. Faced with these repeated aggressions of Azerbaijan against the Armenian people, while Azerbaijan enjoys the full and complete support of Turkey and the ambiguous support of Russia with whom it signed a strategic partnership on the eve of the Russian invasion of Ukraine, it is high time that the EU sanctions Azerbaijan and the elites of this country on the model of what has been done and is being done for Russia. Otherwise, it is all of Armenia that is threatened today, in addition to the Armenians of Artsakh (Karabakh) who, for Aliyev, no longer even exist. On 10 March 2022, the European Parliament adopted a historic resolution condemning the state policy of Armenophobia in Azerbaijan, but unfortunately failed to add to it a system of sanctions in the event, in particular, of the continued destruction of the Armenian cultural and religious heritage of Artsakh (Karabakh). It is high time today for the European Parliament to correct the situation by adopting a sanctions regime against Baku which would, for example, cut off the investment of two billion euros that the EU has planned to mobilize in Azerbaijan over the next few years in the event of further murderous attacks by Azerbaijan on the sovereign territory of the Republic of Armenia or against the population of Artsakh. Sanctions targeting the regime in place or people gravitating around the regime should also be considered. Azerbaijan's economy could easily be "brought to its knees": because if the European Commission considers that it needs Azeri gas to get through the winter, let's not forget that Azerbaijan also needs European customers. It is quite distressing to see that Azerbaijan does not appear on the world map of EU sanctions on the contrary of course from Russia, but also Turkey, Iran, Venezuela or even Myanmar: www.sanctionsmap.eu/#/main The European Parliament must finally adopt a sanctions regime against Azerbaijan - which occupies part of Armenia and threatens to take the rest by force - and must force the European Commission to review its policy of supporting a country whose anti-Armenian state-sponsored racism has been recognized by the International Court of Justice (ICJ), the European Parliament and the UN Committee on the Elimination of Racial Discrimination (CERD). Ursula von der Leyen, during her State of the Union address on 14 September 2022, used the word "Ukraine" 22 times, the word "Georgia" twice and not once the word "Armenia", while at the very moment of her speech, the latter was once again attacked in the most violent way by a country that she had designated in Baku on 18 July as a "trustworthy partner". On the same day, her energy commissioner, the Estonian Kadri Simon, had shamefully spoken of a "historic day". She should, if not resign, at least apologize. While one of the most important and respected figures of the American State, the Speaker of the House of Representatives Nancy Pelosi, is in Yerevan this weekend in solidarity with Armenia, the very credibility of the European Union in the coherent and systematic defence, and not variable geometry, of "its" values throughout the European continent is at stake. Failing any respectful Commission action, the European Parliament has a weapon against the Commission, the motion of censure, which would oblige it, if it were to obtain a two-thirds majority of the votes cast and a majority of the members of the European Parliament, to resign collectively.

  • Le conflit de l'Artsakh et la Diaspora (2ème partie)

    Diaspora arménienne historique et guerre de l’Artsakh (Nagorno-Karabagh) : Une diaspora connectée pendant le conflit et dans le processus post-conflit. Quels buts, quels résultats au-delà des nostalgies et de l’introspection identitaire ? Alain Navarra-Navassartian La guerre des 44 jours de 2020, contre l’Azerbaïdjan, a suscité l’utilisation massive, par les différentes diasporas arméniennes dans le monde, des espaces numériques, notamment, Facebook et twitter. Ils sont devenus des instruments de publicisation de la cause arménienne et également une tentative d’organisation de la lutte ou de la contestation face aux décisions des instances internationales, face à leur silence ou à leur refus d’agir telle l’UNESCO et ses tergiversations pour se rendre en Artsakh. Nous ne pouvons, dans cet article, prétendre à une analyse complète du phénomène. Tout d’abord parce qu’il ne s’agit pas de notre champ d’études habituel (cela relève bien plus des pratiques en ligne), mais le mouvement social (organisations et/ou acteurs isolés) des individus arméniens de la diaspora historique en France durant la guerre et les diverses conséquences qu’elle a entraîné, mérite toute notre attention. Car, autour d’enjeux conflictuels, se sont mis en place différentes formes de protestation et de contestation au travers des réseaux sociaux. Ce qui nous a intéressé, durant la période du conflit et les deux années qui l’ont suivi, c’est la dimension collective dans la définition des cibles et des adversaires (gouvernement azerbaïdjanais, ou turc, silence des instances internationales, etc.) ainsi que les revendications exprimées sur la toile. Soulignons que, tout d’abord, les supports numériques ont été utilisé pour contrecarrer les images et les articles produits par l’Azerbaïdjan ou affidés. La volonté de créer de l’empathie pour générer des actions collectives au niveau national, aussi bien dans les groupes arméniens que de la part des institutions nationales et des politiques français a été, aussi, une motivation importante. Mais au vu des différents développements s’est engagé un mouvement remettant en cause les hiérarchies diasporiques, leur fonctionnement et leur efficacité face à toutes les problématiques soulevées par le conflit. Un mouvement social qui en a surpris plus d’un. On a pu constater différentes manières d’agir collectivement : occupation d’espaces publics après appel sur les réseaux sociaux, plaidoyers dans les médias, manifestations, etc. Mais la continuité de ces actions durant le conflit semble s’être dissoute dans les seuls commentaires plus ou moins virulents sur la toile (Facebook, twitter). Tout le monde s’accordait à agir contre le racisme étatique turc ou azerbaïdjanais, contre les crimes de guerre ou encore contre « la neutralité » internationale mais la cohésion n’était plus de mise lorsque le conflit et ses conséquences ont amené un grand nombre d’individus à réfléchir sur la transformation du modèle diasporique arménien, les prises de position ou les décisions du leadership diasporique, voire, de l’état arménien. Les failles dans la cohésion sociale du groupe On a bien dû constater les failles dans la cohésion sociale du groupe arménien. Failles qui ont remis en cause le sens à donner à la solidarité collective mais aussi à l’orientation des actions à mener, tout comme aux moyens d’action mis en place. Très vite se dessine la volonté de maîtriser ce mouvement de contestation au nom de l’unité nécessaire dans ce temps de crise. Mais on arrive tout aussi vite à une volonté de certains leaders de maîtriser les orientations de la vie collective arménienne. Mais il faut souligner la façon dont les réseaux sociaux ont permis de reconfigurer les modes d’expression et d’engagement des individus arméniens n’entrant dans aucune case communautaire, ces formes d’expression étant moins élitaires. La subjectivité mais parfois aussi la violence, ou le sarcasme contre les institutions communautaires ont mis à mal la volonté affichée d’une unité « à tout prix » exprimée par le leadership communautaire. Il est difficile d’analyser le potentiel rénovateur des réseaux sociaux à l’égard des structures diasporiques arméniennes mais nous pouvons souligner que la toile est apparue comme un espace politique informel pour un grand nombre de ces individus, et comme une nouvelle culture participative alors que ces mêmes personnes sont silencieuses hors ligne. Les valeurs affichées lors de la prise de parole de parole en ligne sont assez surprenantes. Sur le panel de 50 personnes suivies sur ces deux ans, un tiers (H/F) ne participent pas à la vie communautaire mais leurs propos en ligne sont relativement radicaux et acceptent d’adhérer à des groupes arméniens crées pendant la guerre sur le net. Si la cohérence (notamment idéologique) était de mise durant le conflit, très rapidement après l’arrêt de la guerre et les discours performatifs du président Aliyev ou du flou de la communication arménienne, les terrains d’action se sont recentrés sur l’identité culturelle voire ethnique oubliant le champ du politique. Il ne s’agit pas de la révolution twitter ou Facebook dont on a parlé pour le printemps arabe mais force est de constater les efforts d’organisation des internautes diasporiques arméniens et notamment des activistes : lobbying, organisation de rassemblement, etc. D’autre part on pourrait mettre au bénéfice de ces actions sur les réseaux sociaux les diverses réactions des élites communautaires. Tout aussi important est de noter que ces échanges sur les réseaux sociaux sont plus des « réactions » que des réflexions, ce qui souligne, parfois, le peu de connaissances sur les rouages de la politique européenne ou de la situation de l’Arménie sur l’échiquier de la région, etc. Il est donc évident que le niveau de diplôme, le statut socio-professionnel et même les revenus déterminent à la fois la participation en ligne, les pratiques autant que les commentaires. La forme de la critique des pouvoirs (communautaire, européen ou national) en dépend. Il ne faut pas pour autant disqualifier la plus importante part de ces discussions sur les forums, les tweets ou les commentaires Facebook car, pour beaucoup d’internautes, ils tiennent lieu de ce qu’ils considèrent être une expression politique, voire une participation politique au-delà de la simple expression d’opinions. Mais ces espaces de discussion entre soi structurent-ils des positions politiques et mènent-ils à des modes d’engagement hors-ligne ? Il n’en reste pas moins que pour bien des Arméniens de la diaspora historique française, cela a permis de renouveler des modes de participation : pétitions, donations, achats en ligne de produits arméniens, etc. Ces nouvelles formes d’expression sont-elles de réelles formes de participation ? La bibliographie donnera quelques pistes au travers des travaux des chercheurs spécialisés dans ce domaine. Si tous les internautes interrogés soulignent l’importance de ce « lieu entre nous » (surtout chez les utilisateurs de Facebook), presque tous mettent en évidence la difficulté à trouver de nouveaux modes relationnels, autres que ceux inscrits dans une hiérarchie diasporique qui est jugée de plus en plus autoritaire, élitiste voire « inutile » dans la crise traversée par la diaspora dans cette période délicate. Il n’y a donc pas de réticence à utiliser l’outil numérique mais plus envers une remise en cause de la légitimité des instances diasporiques par les plus activistes des internautes. Il faut reprendre les termes de Bruce Bimber (2012) « the new media facilitate expressive political action in which citizens express their civic concerns in their own terms and not in the terms of political parties or interest groups.” La guerre des 44 jours a développé l’homophilie sociale et culturelle de la diaspora historique arménienne, mettant en évidence un ensemble de la population arménienne de France qui n’apparaissait pas et que l’on retrouve sur la toile. Cette socialisation s’est faite d’autant plus facilement qu’elle passe outre les hiérarchies établies dans l’organigramme diasporique. Colère, amertume, propositions concrètes ? La manifestation de la colère est certainement le mode le plus évident de communication durant ces deux années écoulées depuis la fin de la guerre. Mais ces manifestations sans demandes ou propositions concrètes permettent-elles une modification des modes de réflexion et d’action des groupes constitués pendant la guerre ? L’absence de construction des revendications et des actions à mener (soit contre le leadership diasporique soit contre le silence des institutions internationales voire nationales) a eu pour résultat que, de facto, les individus traditionnellement connus des pouvoirs publics nationaux ont de nouveau représenté l’ensemble des Arméniens (pour une grande part invisibilisés) alors même que les réseaux sociaux révélaient un malaise face aux institutions diasporiques. Aucune plateforme de communication n’a été mise en place durant cette période, alors que des dizaines de zooms s’organisaient pour en parler, ce qui a eu pour résultat la désinformation par certains médias, l’infox ou bien encore une confusion facilement utilisée par l’Azerbaïdjan, plus encore l’absence de connaissances des logiques internes des différentes plateformes numériques a entrainer une inflation des messages ou des actions sur la toile. On a souligné à cet effet l’absence d’une stratégie de la part du leadership diasporique mais plus encore c’est la confusion autour des véritables objectifs des Arméniens de la diaspora qui a mis le feu aux poudres sur les réseaux. Le silence des médias de gauche et l’intérêt des médias de droite mais aussi de journaux, voire de personnalités d’extrême droite, a enfermé, pendant un temps, les revendications de justice envers le peuple en danger de l’Artsakh dans un conflit civilisationnel : Chrétiens/Musulmans. Dans ces circonstances on a invalidé l’adhocratie (qui privilégie l’adhésion), la spontanéité ou l’inventivité pour en appeler à fortifier les représentations diasporiques traditionnelles. Ainsi l’absence de structures ou de continuité dans le mouvement qui remettait en cause les hiérarchies diasporiques mais aussi certains fonctionnements et modes d’action a eu pour effet de détourner une grande partie des Arméniens de la diaspora, de la réflexion sur le désir de participation différente dans la communauté voire de la prise en compte de la diversité, bref tout ce qui avait été révélé par la guerre et ses conséquences dramatiques. Pourtant, beaucoup d’Arméniens se sont dévoilés durant cette période, oubliant le filtre des pseudos masqués ou des pseudonymes symboliques ; beaucoup ne se sont pas cachés derrière l’invisibilité qu’offre les réseaux. Il ne s’agit pas de dire que les réseaux sociaux sont le moteur direct des révoltes ou révolutions mais de souligner qu’un grand nombre d’individus d’origine arménienne ont exprimé des choix qui ont entrainé, parfois, une modification des comportements. En ressort une volonté de redéfinir les capacités du groupe arménien dans cette période délicate. Mais la question reste posée : saurons-nous démontrer notre capacité collective à réaliser différents changements nécessaires ? Capacité narrative Le terme est emprunté au livre de Zenep Tufekci (2017) pour souligner la nécessité de revoir notre « capacité narrative ». Durant la guerre des 44 jours, beaucoup d’internautes d’origine arménienne ont souligné que nous « courrions après notre histoire » sans réussir vraiment à nous faire entendre plutôt que d’être capables de présenter clairement la situation de la population arménienne du Haut-Karabagh et de la diffuser, afin de convaincre les « muets » (ou les récalcitrants) à apporter une aide institutionnelle à cette population. Arguant, à juste titre, que le danger réel qui guette ces dizaines de milliers de personnes n’est pas un détail agaçant dans la guerre énergétique ou un fait sans importance en regard du conflit en Ukraine. La légitimité de la contestation est liée à cette capacité narrative. Le refus d’accepter ou d’adhérer aux attributs habituels en tant que « bon » Arménien a été clairement formulé, attributs qui sont censés déterminer, aussi, nos conduites individuelles : Intégration parfaite à la société d’accueil, résilience, un certain conservatisme, etc. Ce qui permet sans trop réfléchir d’attribuer une cause à nos conduites. Ces « dispositions » de l’individu arménien interviennent grandement dans les échanges sociaux entre Arméniens mais aussi avec les non-Arméniens. Ainsi, même de façon embryonnaire, une partie des témoignages recueillis révèlent un refus, voire une opposition, contre la reproduction des schémas de pensée ou d’actions qui se sont avérés inutiles durant ces deux dernières années. Nous n’entrerons pas ici, dans le débat qui anime les sciences sociales autour de l’habitude, des pratiques, des dispositions, voire de l’habitus, mais soulignons juste qu’un fort désir de redéfinir les « obligations » de l’être arménien s’est fait jour. Conséquence certes de la guerre mais que l’on pouvait déjà noter dans l’opposition, par de plus en plus d’individus arméniens, à la politique mémorielle institutionnelle française et communautaire. Certains des attributs qui sont censés déterminer nos conduites individuelles en tant qu’Arménien, sont discutés et parfois de façon véhémente. Il ne s’agit pas de prétendre que les réseaux sociaux sont l’outil idéal ou le seul outil pour mener à bien un mouvement contestataire, mais la guerre des 44 jours et l’immédiate période qui a suivi l’arrêt du conflit ont mis en exergue une capacité contestataire commune au-delà des différences. Mais ce qui apparaît tout aussi clairement, c’est la répétitivité des pratiques sociales après la période de crise aigüe. « Facebook est donc un terrain particulièrement favorable à l’étude de la représentation de soi, puisque ce logiciel propose en somme de fédérer toutes les activités en ligne et les facettes de la vie quotidienne » (Cardon.2008). Le lien transnational entretenu avec l’Arménie est devenu plus important : demandes d’informations, réactions ou commentaires sur les pages personnelles, adhésion à des groupes communautaires crées durant la guerre. L’imaginaire commun a fonctionné pour créer de véritables communautés sur les réseaux. Ce travail de surface mériterait un réel approfondissement pour affiner les données liées à l’échantillon d’individus choisis. Les réseaux sociaux sont donc devenus pendant cette période de crise pour l’ensemble des Arméniens du monde un outil de mobilisation important, tout comme un forum de discussion. Plus, d’ailleurs, sur Facebook que sur twitter, qui est l’arène privilégiée de discussions plus âpres voir violentes. Les termes de fascistes ou les démonstrations de l’esprit totalitaire des uns et des autres (pro-gouvernementaux et anti-gouvernementaux) est récurrent sur twitter. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Il semble qu’un processus de normalisation se soit mis en place ; l’ordre social communautaire avec ses pratiques normées a été privilégié. Il y a eu durant le conflit des différences qui sont apparues dans les points de vue de la communauté et qui peuvent être source de conflits, mais peu importe. Le conflit, la discussion, le désaccord ne sont pas le signe de l’absence de communauté. Si les gens s’opposent, cela voudrait dire qu’il n’y a pas de cohésion sociale à l’intérieur de la communauté. C’est, à la fois, une conception fausse et apolitique de la communauté ethnique. C’est le meilleur moyen de détourner l’attention des mécanismes en cause dans les relations conflictuelles et de leur rôle dans l’évolution d’un groupe. Il serait plus intéressant de porter l’attention sur l’absence des mécanismes efficaces pour la gestion d’éventuelles divergences, qui répétons-le sont salutaires. Il ne faut pas confondre une solidarité nécessaire en temps de guerre avec l’acceptation de l’incapacité de certains organismes du groupe arménien à offrir, encore, des repères aux membres de ce groupe afin qu’ils puissent avoir la capacité à se penser et à se refléter comme société. Mais on sent la nécessité de sortir du mode de l’imposition pour définir des situations de la réalité, des problèmes, des objectifs et des possibilités d’action. La culture devient l’objet essentiel des échanges, on se méfie des réactions intempestives qui mettent en péril le « vivre ensemble » mais aussi l’image de la communauté. Facebook offre un espace plus apaisé que twitter et on y trouve des messages de groupes, d’individus ou de communautés offrant un processus d’identification (culture, histoire, cuisine, art) censé offrir une nouvelle stabilité aux individus arméniens connectés. Il s’agit de privilégier des modalités de socialisation apaisées après les tensions et les divergences de l’après-guerre et qui perdurent aujourd’hui encore. Mais le transfert de certains territoires à l’Azerbaïdjan pourrait remettre en cause ce processus. Quant au narratifs développés dans les échanges sur Facebook ou twitter entre Arméniens, d’abord, mais surtout avec les personnalités qu’ils voulaient interpeller (il s’agissait de persuader du bien-fondé de la résistance arménienne du Haut-Karabagh), ils ont été violemment contestés par les groupes turcophones et azéris qui se trouvaient dans une même visée d’incitation. Encore une fois, les échanges sur twitter étaient beaucoup plus violents que sur Facebook, mais on a pu noter que la légitimité du discours, sur les deux réseaux sociaux, dépendait de l’identité sociale du sujet, voire de son statut social qui « confère une autorité de savoir ou de pouvoir ». Par contre le statut « d’expert » ou de « spécialiste » et notamment leurs analyses a été mis en doute par l’ensemble du panel durant la période post-conflit et jusqu’à aujourd’hui. Pour tous les internautes arméniens questionnés la nécessité de dire « vrai », de dire « juste », d’être crédible a été un enjeu d’importance dans les échanges sur les réseaux, mais surtout sur Facebook. Face au silence des instances internationales, de certains journaux, de certaines institutions nationales, face aux informations fallacieuses de toute sorte ou aux discours performatifs du résident Aliev, la volonté d’être digne de foi et « sincère » a été essentielle. L’engagement durant la guerre a très certainement défini une prise de position claire et déterminée d’un grand nombre d’individus arméniens, au nom d’une conviction qu’ils désiraient faire partager au plus grand nombre. Pour cela différents moyens ont été utilisés : le pathos, la persuasion ou la polémique, entre autres ; mais l’horizontalité des réseaux sociaux ne semble pas avoir réussi à porter de l’avant les différentes requêtes, contestations ou revendications des Arméniens et susciter l’intérêt des diverses autorités. Ces deux années passées à scruter les fils d’actualité et les commentaires sur les réseaux sociaux ainsi que les échanges avec le panel d’internautes arméniens, nous ont permis de constater que les réseaux peuvent être un excellent indicateur de « l’opinion » des individus arméniens dans un temps donné et après analyses (Nous présenterons ultérieurement ce travail qui donnera lieu à une publication avec la composition de l’échantillon). Mais peut-on, pour autant, parler d’une nouvelle forme de militance, aussi bien dans ses modalités d’action que dans les réflexions autour de l’action ? Il est évident que certains commentaires ou échanges sur les réseaux ont pu être apparentés à des discours contestataires avec une mise en place de stratégie discursive : légitimation /délégitimation, sarcasme, subversion, dérision, violence, etc. Mais il apparaît tout aussi clairement que l’accès, le contrôle et l’utilisation des ressources de communication a été le point faible des Arméniens ici et là-bas. Il semble donc que la mise en place d’actions de résistance ou l’organisation de dynamiques de contestation (intra-communautaire ou tournées vers l’extérieur du groupe) aient rencontré quelques difficultés. Seuls quelques rares mouvements ou groupes tel que Charjoum se sont inscrits dans des pratiques numériques alternatives : cadrage médiatique, communication tactique, dénonciation publique ou surveillance inversée, etc. La collecte de fonds étant la pratique la plus répandue des différents groupes arméniens. (Nous publierons, dans le travail plus complet sur ce sujet, la classification des pratiques du panel). Quant à la diffusion des informations elle s’est faite sans une réelle stratégie qui aurait demandé une plus grande coordination. On a constaté que les arguments rationnels durant la guerre ont laissé place à un narratif qui faisait plus appel aux émotions ; le silence assourdissant des différentes institutions nationales ou internationales engageait les internautes arméniens à ne plus se fonder sur les seuls faits (qui démontraient suffisamment les différentes violations des droits humains comme ceux de la guerre envers les soldats arméniens et la population arménienne du Haut-Karabagh), mais à utiliser les émotions pour une action immédiate : la prise de position contre le danger encouru par la population arménienne en Artsakh (Haut-Karabagh). Comme si l’émotion suscitée pouvait engendrer une décision... Il s’agit peut-être moins de ressentir la problématique d’une situation que de la comprendre ? Mais rien n’a été épargné pour susciter la motivation des personnes pouvant agir contre le drame qui se joue dans le Haut-Karabagh. La communication des Arméniens de la diaspora sur les réseaux s’est trouvée confrontée à la propagande du gouvernement de l’Azerbaïdjan : la plus évidente et la plus diffusée dans les pays arabes, par exemple, fut l’utilisation d’un photomontage montrant des porcs et des vaches dans une ancienne mosquée de Chouchi. La communication, voire la propagande du gouvernement azerbaïdjanais, s’appuyait sur une meilleure maitrise de l’ensemble des outils de communication et sur le fait que certains médias restaient silencieux et que certaines institutions internationales ne demandaient pas mieux que d’accréditer les différents messages, articles ou autres, produits par l’Azerbaïdjan. Il n’y a, dira-t-on, pas ou peu de communication sans désir de persuasion. Les Arméniens eux-mêmes ont tenté de persuader le monde d’accorder un regard plus juste à cette population en danger. Mais ils ont souvent appréhendé cette communication comme un appel au dialogue de toutes les parties internationales engagées dans la résolution du conflit et non pas comme une simple propagande. Ce qui explique la difficulté des internautes arméniens à trouver des parades aux stratégies de pure propagande de la part de groupes ou d’individus turcophones ou azerbaïdjanais. Si on veut être cynique, les internautes arméniens auraient dû réfléchir à un caractère plus manipulatoire des messages (ou des réponses) sur la toile. Mémoire du collectif, mémoire organisationnelle Sans faire le résumé de la sociologie de la connaissance, utilisons ici le terme de stock de connaissances pris à Berger et Luckman (1966) : l’accumulation des expériences vécues déterminant ce qui sera disponible et commun aux individus se côtoyant sous forme d’un stock de connaissances. La réalité étant un construit social afférent à un contexte. Ce stock de connaissances rendant possible un sens commun dans un monde d’intersubjectivités. La guerre et le « processus de paix » qui a suivi, ont mis en évidence la difficulté de l’action collective dans le groupe arménien comme le mode organisationnel à adopter au cours de processus de résolution de situations complexes. Il y a eu pendant longtemps une incontestabilité des caractéristiques de l’arménité, une unité dans la reconnaissance de l’être Arménien, sans aucun processus interprétatif. La guerre et ses désastres ont remis en cause, pour certains, les sédimentations diverses qui sont transmises sans rien vouloir changer, tout comme les rôles dévolus au sein de la communauté car, dans le stock de connaissances de la communauté arménienne, les rôles-types sont les seuls reconnus, d’où la difficulté à se faire entendre pour des individus qui n’appartiennent pas à ces rôles-types. L’appel à la fidélité à ces rôles-types est d’ailleurs un moyen de contrôle. On a pu le constater durant le conflit. Toute tentative d’analyser les rôles du leadership communautaire, par exemple, était perçue comme un « crime de lèse- majesté » et, pour ce faire, l’identité arménienne a été, par moment, réifiée. Dans les échanges les plus développés sur Facebook, la volonté de légitimation des institutions passait par l’explication de ce qu’il fallait faire ou ne pas faire (en bon Arménien) et pourquoi il en était ainsi. Mais qu’en était-il de la construction du sens et des représentations collectives qui semble manquer à la diaspora historique ? Il ne s’agit pas de la maintenance de l’univers symbolique de l’arménité par la stigmatisation et la mise au ban de tout ou toute déviante mais du développement de significations communes. Ce qui n’a jamais été réellement proposé sur la toile ni par les uns ni par les autres. Entre invectives gratuites et silence borné, peu d’initiatives ont vu le jour afin d’interpréter les informations, les règles ou les actions de l’organisation communautaire. Le pluralisme semble faire peur. On pourrait renvoyer dos à dos les protagonistes opposés sur les réseaux sociaux, les uns pour ne rien proposer de concret contre les opinions dominantes tout en invectivant à souhait les « autres » qui s’arc-boutent sur un consensus dominant au niveau plus général de la communauté. Mais l’’identité est une relation dialectique avec la société ; et la guerre, et ses conséquences, semble avoir favorisé un questionnement sur les structures sociales communautaires. Mais au fil du temps, au travers des fils d’actualité de Facebook ou des « tweets » on constate que des sentiments subjectifs sont devenus des vérités grâce à un accord du plus grand nombre. Une réelle exploration des nouvelles demandes ou questionnement émis par une partie de la diaspora a été évacuée. Une année après le conflit, on rappelait la nécessité de préserver l’homogénéité de la communauté, sans jamais vouloir comprendre que la communauté peut être aussi un ensemble hétérogène. On se retrouve avec des discours redondants des mêmes « experts » (parfois erronés) sous couvert de sérieux universitaire sans avoir la capacité d’utiliser d’autres outils conceptuels dans le champ de la connaissance. Il ne s’agit pas de masquer ici un discours politique sous couvert d’esprit « scientifique » ; il est évidemment difficile de ne pas enfreindre une neutralité axiologique quand plusieurs dizaines de milliers d’individus de votre peuple risquent l’exil, ou pire. Il s’agit plutôt de tenter une approche phénoménologique, de passer du fait considéré au sens qu’il peut avoir pour la conscience d’un individu (Amedeo Giorgi). Il ne s’agit pas de rendre compte de l’individualité des personnes interrogées mais de comprendre comment les structures communautaires existantes ont permis, ou pas, d’être en lien durant le conflit et dans la période qui l’a suivi. Il en ressort que des rapports de « lutte dans la lutte » (Dumezat. 2006) ainsi que des rapports de pouvoir ont traversé la mobilisation contre cette guerre. La communauté arménienne de France s’est donc retrouvée dans le même temps au cœur de rapports de domination, de résistance et de « guérilla interne ». Et l’on peut considérer que bien des échanges (sur la toile comme dans les actions) tenaient plus, dans la réalité, de « réactions » que d’actions de résistance. « La montée au créneaux » d’un important nombre d’individus arméniens avait bien une dimension collective. Ce mouvement fut assez important pour que la hiérarchie communautaire (et l’Arménie elle-même) veuille en diminuer la portée voire le dénier, l’inférioriser ou le diaboliser. Derniers évènements : l’abandon de certains villages arméniens du Haut-Karabagh par le gouvernement arménien a relancé un sentiment collectif ; reste à le définir. Peut-il être construit « à partir de la diversité des points de vue, des groupes et des individus ?» (Kergoat.2012) Lire la 1ère partie : https://www.hyestart.net/post/le-conflit-de-l-artsakh-et-la-diaspora-1 Bibliographie Alonso Delano. A. Melonas. H. 2021 .The microfoundations of diaspora politics: impacking the state and disaggregating the diaspora. Taylor & Francis. Alusky. S. 1976. Le manuel de l’animateur social. Seuil Bauböck. R. Faist. T. 2010. Diaspora and transnationalism: Concepts, theories and methods. Amsterdam university press. Bauman. Z. 2005. Liquid life. Polity press Bruneau. M. 2011. Phénomène diasporique, transnationalisme, lieux et territoires. Ceriscope/sciences.po Boyadjian. J. 2016. Les usages politique différenciés de twitter. Esquisse d’une typologie des twittos. Politiques. 2014. 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  • Le conflit de l'Artsakh et la Diaspora (1ère partie)

    Alain Navarra-Navassartian Cet article ne prétend pas épuiser, loin s’en faut, les sujets traités, mais tente de présenter une partie des questionnements mis à jour par le conflit et ses conséquences. On pourrait, tout d’abord, avancer que c’est le « sentiment national » des Arméniens diasporiques qui s’est exprimé. Pas l’identité nationale ou l’appartenance nationale puisque dans ce cas précis le nationalisme est détaché de son attribut territorial. Par contre, le lien entre identité et mémoire, le rapport affectif à la Nation arménienne se sont trouvés amplifié par le conflit, son traitement médiatique, son traitement international ou le sentiment d’être seuls face au reste des puissances. La Nation arménienne est un terme que l’on a retrouvé fréquemment dans les commentaires des internautes ou sur les réseaux, dans les affirmations ou exemples donnés par des activistes de la cause arménienne et exprimé aussi au travers des interventions de certains experts. Mais aussi une Nation comme communauté imaginée (B. Anderson 1998). Ce sentiment national a révélé la nature de la relation que les Arméniens de la diaspora historique française entretiennent avec cette communauté imaginée, son contenu, les contextes et les modalités d’expression. Mais la violence de la guerre (rappelons les milliers de jeunes hommes tués durant le conflit), les réponses politiques pas toujours adéquates des responsables communautaires, les lacunes dans la représentation du groupe au niveau national, entre autres, ont, aussi, laissé apparaître un ensemble de revendications, de mises au point ou de demandes de réformes qui soulignent comment une identité et un sentiment d’appartenance donnés pour « naturels » sont aussi des arrangements sociaux, objets de débats, y compris politiques. Les circonstances et les développements du conflit ont entraîné une évidente solidarité, mais ont également remis en cause la simple appropriation émotionnelle du « sentiment national » ou même de certaines expressions de l’arménité, jugées obsolètes, voire inutiles dans ces conditions. Ce terme de sentiment national, peu usité, parfois décrié est utilisé ici pour souligner combien « le spectre de la Nation » hante les Arméniens (Enlun 1994). Même si la multitude de souvenirs individuels de la diaspora historique sont plus attachés à la Turquie génocidaire qu’à une mémoire collective nationale en territoire de la République d’Arménie. Ce qui ne fait que souligner la complexité de l’articulation entre les différents niveaux de l’appartenance et l’intensité fluctuante de l’identification à la Nation arménienne qui contraste avec la profondeur de son empreinte. Cette guerre a été, aussi, l’occasion de constater comment les Arméniens en diaspora se sont appropriés, ont revisité ou contesté les discours, les évènements ou les symboles mis au point par les instances dirigeantes communautaires. Les questions politiques et sociales ont fait un retour fracassant dans les normes de l’arménité et dans l’expression de cette arménité, jusqu’à remettre en cause les structures existantes. L’extrême connectivité de la diaspora durant la guerre avec l’Arménie a redessiné les liens avec la République d’Arménie. Beaucoup d’Arméniens de la diaspora française avaient peu de contacts réguliers avec l’Arménie, mais la guerre a redéfini le rôle de ce territoire comme ancrage de la communauté, et aussi le lien social face à ce territoire. Le désir pour une majorité d’individus arméniens de créer des liens de ressources et de supports sur le long terme a été activé ou réactivé par le conflit. Liens qui veulent aller plus loin que l’aide humanitaire ou que des relations autour d’une culture symbolique. La guerre a fait prendre conscience de la nécessité de sortir d’une adhésion plus ou moins passive à l’arménité. Reste à constater les effets de ce mouvement. En espérant que le moteur n’en soit pas le paradigme « ensembliste », mais bien la prise de conscience que nous sommes appelés à être acteurs et auteurs de cette appartenance. Nous avons utilisé pour cet article, comme pour un article précédent, les messages ou les posts des internautes sur trois réseaux sociaux (facebook, twitter, instagram) et vingt personnes ont accepté d’être enquêtées. Il ne s’agit là que d’un travail d’observateur, car (étant moi-même dans un engagement militant après cette guerre) il n’a pas pour vocation d’être perçu comme un travail de recherche mais d’ouvrir à un questionnement qui n’est pas le fruit de ma seule subjectivité. Réponse interprétative des réalités de la guerre et de ses conséquences Les réponses interprétatives des réalités et des conséquences de la guerre ont été remises en cause par un grand nombre d’internautes et de personnes interrogées. Estimant que ces réponses semblent enracinées dans une structure culturelle et sociale qui change peu et qui prend, parfois, la forme d’une idéologie. On puise en permanence dans un stock de ressources sans jamais vraiment questionner son utilité (aujourd’hui) dans la construction des cadres de l’action collective. Le discours « officiel » diasporique a beaucoup de mal à reformuler ou à formuler de manière contemporaine la question des droits concernant la population de l’Artsakh, on a la fâcheuse impression d’une soumission aux discours officiels français comme arméniens d’ailleurs. Cette difficulté à créer lors des interventions des uns et des autres, des points de contact idéologiques avec un public élargi est assez symptomatique. Le discours officiel des responsables diasporiques a peu de pouvoir d’attraction après cette guerre. Tout comme le « récit arménien diasporique » semble devoir être revu pour avoir plus de résonnances avec des récits de plus grande amplitude qui impliquerait plus de non Arméniens (Snow et Bentford.1988). Il ne s’agit plus d’avoir, uniquement, des artifices stratégiques mais de réussir à inscrire un certain nombre d’actions dans l’arène publique. Au travers des commentaires et des réactions utilisés pour cet article, l’appartenance durant la guerre, et même après, se vit comme une appartenance à une communauté homogène, unie et qui doit rester telle (la peur du conflit intracommunautaire est récurrente) avec un territoire sacralisé d’autant plus qu’il est attaqué (l’Arménie) avec, en toile de fond, le drame du génocide et l’impossible retour sur le territoire d’origine (L’Arménie historique). On pourrait avancer que le conflit a renforcé le sentiment d’ethnicité communautaire et que l’expression de cette appartenance reste tributaire de la logique de l’État-nation (L’Arménie), c’est dans la tranche d’âge la plus élevée que l’on retrouve cette approche. Mais il a été aussi souligné, par les plus jeunes, que les caractéristiques d’un mouvement nationaliste peuvent être aussi de définir des objectifs en termes de changements culturels mais aussi politiques au nom de la Nation et de s’engager, pour ce faire, dans des actions collectives et de présenter ainsi tant un défi politique envers les autorités arméniennes qu’un défi culturel envers le système des valeurs dominantes. Ce nationalisme est intrinsèquement porteur d’un élément contestataire. Différents groupes se sont formés pour revendiquer une appartenance fondée, aussi, sur la loyauté envers des normes et des valeurs partagées autre que les valeurs anthropologiquement reconnues comme arméniennes (langue ou religion). Une demande forte, d’une approche contractualiste s’est faite jour, qui permettrait à chacun de participer à la construction de la « Nation ». Il ne s’agit pas pour autant d’évacuer le contenu émotionnel de cet ensemble de réactions car cela empêcherait de saisir le lien de la culture aux actions et aux interactions. Mais il serait souhaitable que la colère et l’indignation (justifiées) ne soient pas que des filtres à l’information mais servent à poser des actes. Les émotions partagées ne suffisent pas à lutter contre des cadres d’injustice. Nous devons être capables d’articuler nos « sentiments » dans des discours et des actions collectives à visée publique afin que ces sentiments ne restent pas que dans le domaine de la conscience communautaire. La peur du conflit communautaire et de ses conséquences est présente dans un grand nombre de réponses soit pour la souligner soit pour arguer d’une volonté de se libérer d’un système de contraintes et se révolter contre le « confort de la domination ». C’est une prise de risque en regard d’un certain conformisme communautaire. Mais très vite on voit se former un cercle vicieux : une sujétion au collectif (à cause la guerre) qui est porteur du conflit dans les frontières internes de la communauté. Ce qui était tenu pour acquis : homogénéité du groupe, absence de conflits, etc. a volé en éclat par l’abandon de la population arménienne du Haut-Karabagh par le gouvernement arménien. Même si on tente de masquer cet échec par une interprétation des actions qui est censée maintenir l’unité de la communauté. La plupart des enquêtés relèvent que l’accès aux ressources politiques et symboliques pour les Arméniens est réduit à sa portion congrue. Il est intéressant de noter que beaucoup craignent la construction d’un « écosystème culturel » (Habermas) en ne voulant pas permettre la critique qui garde les cultures vivantes. En essentialisant « l’être arménien » on est porteur de stéréotypes, on ignore, par-là même, toutes les minorités internes à la communauté. L’identité d’un groupe ne repose pas, uniquement, sur un noyau dur inaltérable. Il est devenu évident que la dévotion à l’arménité ne pouvait plus tenir lieu de réflexion. Un grand nombre d’individus d’origine arménienne ont pris conscience d’être une entité dépendante, voire subalterne dans le paysage politique français. Les frontières de la communauté se sont modifiées dans les rapports d’altérité croisés entre les individus, les réactions au conflit et leurs aspirations. Des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour contester le système de représentation du groupe et le système d’autorité mis en place. Système qui précise qui a le droit à la parole, qui représente l’ensemble du groupe arménien et qui affirme les aspirations de l’ensemble du groupe. L’appartenance se donne à la fois comme un produit, mais aussi comme expression assumée par des sujets, elle est devenue une marque significatrice de la volonté personnelle. Les réactions au conflit viennent souligner cette nouvelle donne. Le collectif est un enjeu plus qu’une donnée. La mobilisation de la diaspora française a été importante, mais rapidement s’est posé le problème du travail interne au groupe arménien et l’efficacité externe, tout comme l’absence d’entité sociale. Il s’agissait plus d’un réseau d’individus pris dans des formes de relations réticulaires. Ce qui a été le plus contesté reste le passage de l’action collective à l’action publique. Comment s’est-il opéré ? A - t-il été efficient ? Comment est-il structuré dans le groupe arménien ? Il semble difficile d’introduire, pour le moment, un véritable processus dialogique dans la communauté, je ne parle pas de l’illusoire discussion sur le fonctionnement démocratique au sein de la communauté. Mais nous devons bien souligner qu’il n’y a pour l’heure que des opinions majoritaires et minoritaires. Pas de processus dialogiques qui permettraient de prendre en compte la diversité du groupe et d’avoir une portée transformatrice. Le conflit et les conflits Le conflit et ses conséquences tragiques ont amené un grand nombre d’individus arméniens à s’interroger sur la relation au pouvoir politique français, les contradictions à l’intérieur du groupe, le rapport à la société globale, la monopolisation des pouvoirs, le dogme du consensus à maintenir, les mécanismes de cooptation ou les contradictions idéologiques et politiques internes. Ce processus prend place, avec pour fond, une prise de conscience qui va à l’encontre de certaines perspectives politistes selon lesquelles le groupe arménien serait un réel groupe de pression dont l’action s’exerce de façon homogène dans la sphère politique nationale. Dans une conjoncture où l’État français n’est plus, pour le groupe arménien, l’état providence mais devrait devenir l’état partenaire. Et cela demandera certainement des changements importants tant structurels que sur la prise de conscience du pouvoir d’agir des individus arméniens hors des cadres traditionnels. Définir une identité particulière, autre que celle de la victime, posséder un statut socio-économique déterminé, avoir une expertise en différents domaines sont des conditions d’accès au processus de la décision publique. La gouvernance du groupe basé sur un fonctionnement de type corporatiste qui a évacué un grand nombre d’Arméniens des débats, pose un réel problème. On pourra toujours mettre en avant la nécessité de l’institutionnalisation du pouvoir d’influence du groupe, cela ne semble plus convenir. Un certain nombre de structures (amitiés, pouvoir, conseil, influence, etc.) qui ont donné lieu à l’émergence de la culture du groupe arménien pour ses normes, ses relations de pouvoir, ou de règles ont été remises en question. (St Charles 2006). La guerre et ses suites tragiques ont mis en place un processus d’actualisation des informations sur la communauté (au sein de la communauté elle-même). Il a bien fallu que l’individu d’origine arménienne change sa représentation de certains aspects du monde qui l’entoure. La posture déterministe a été mise à mal, posture selon laquelle les comportements seraient uniquement régis par des contraintes normatives ou des valeurs immuables. Si l’on considérait que ce sont les individus, en tant qu’acteurs, qui peuvent produire le système et non l’inverse ? Car il y a des contraintes inhérentes au groupe, mais elles ne seraient plus l’équivalent d’un déterminisme abscons. La légitimation du système de fonctionnement « institutionnel » de la communauté arménienne s’appuie sur l’idée dominante de vouloir apparaître « neutre » en assurant d’agir en faveur de tous les Arméniens. La naturalité supposée des rôles de responsables communautaires ne cesse pourtant d’interroger, les individus protagonistes cherchant à protéger le « texte caché » (James. C. Scott.2009) par de grandes liturgies, mémorielles le plus souvent. Pourtant, là encore, la guerre a révélé la conflictualité prégnante dans la communauté comme dans toute communauté. Mais ce ne sont pas des indicateurs d’un manque de cohérence sociale, mais plutôt, l’indice d’une « communauté politique » et non un simple agrégat de personnes partageant une même origine ethnique. Le conflit, la discussion, le désaccord ne sont pas le signe de l’absence de communauté. Si les gens s’opposent, cela voudrait dire qu’il n’y a pas de cohésion sociale à l’intérieur de la communauté. C’est, à la fois, une conception fausse et apolitique de la communauté ethnique. C’est le meilleur moyen de détourner l’attention des mécanismes en cause dans les relations conflictuelles et de leur rôle dans l’évolution d’un groupe. Il serait plus intéressant de porter l’attention sur l’absence des mécanismes efficaces pour la gestion d’éventuelles divergences, qui répétons-le, sont salutaires. La mise en danger de mort ou d’exil de plus de 150.000 Arméniens du Haut-Karabagh, les contradictions criantes entre les discours officiels et la réalité sur le terrain, l’absence des institutions internationales dans les moments cruciaux de la guerre ou de la mise place du processus de paix ont bien fait comprendre aux Arméniens le sens hégémonique d’une certaine histoire. Il est donc bien naturel que beaucoup d’entre eux ont la volonté de dénaturaliser les hiérarchies existantes et de se rebeller contre la résilience assignée d’office aux Arméniens, ce processus qui viendrait interrompre par miracle le cycle des injustices. Tapez leur dessus, massacrez-les en toute impunité puisqu’ils sont résilients. Pourtant beaucoup d’Arméniens se sont réveillés, certes, sonnés mais plus à même de comprendre que l’antagonisme, le refus du consensus à tout prix permet aussi de mieux mesurer les dimensions de l’environnement politique qui incitent à entreprendre une action collective (S. Tarrow). Il y a des évènements qui sont des fenêtres d’opportunité et qui permettent d’agir et de mobiliser les membres du groupe (comme le discours d’Emmanuel Macron à Bruxelles) mais les entrepreneurs diasporiques ont manqué diverses opportunités. Cadres La théorie de Snow et Benford sur les cadres présente un grand intérêt pour saisir certaines réactions et manques face à la guerre et à ses conséquences. On a souvent noté durant le conflit, la grande connectivité de la diaspora arménienne, s’employant souvent à contrer une véritable guerre de l’information sur le web. Pourtant les posts, messages ou autres des Arméniens semblaient être des juxtapositions à des réseaux qui les ignoraient. On ne développera pas ici, les carences communicationnelles de la communauté durant cette guerre, mais mettre en avant l’absence de « frame bridging » dans cette communication. C’est-à-dire la capacité de congruence des griefs de plusieurs groupes ou organisations afin d’engendrer un intérêt collectif qui puisse être un moteur d’engagement pour des non-Arméniens. Au lieu de cela, on nous a coincé dans un conflit de civilisation, une guerre de religion en miroir avec les discours performatifs du président Alyiev. Se profile, dans ces différentes campagnes contre l’héritage culturel arménien, « l’impureté » de ce peuple qui a commis des « crimes contre le monde de l’Islam » (Aliyev, 2021). On avait, durant le conflit, constaté que des photos d’une mosquée transformée en porcherie circulaient sur les réseaux sociaux, et avaient soulevé un tollé général dans certains pays arabes. Inutile de dire que ces photos étaient un montage, mais pour la première fois dans ce conflit du Haut-Karabagh qui dure depuis trente ans, la dimension religieuse n’avait jamais été aussi clairement présente. Les églises sont les hauts lieux de l’identité arménienne, dans le quotidien des populations : lieux de sociabilité, d’éducation ou de construction identitaire (A. Navarra. 2020). La politique de déni, de privation ou de dégradation menée par l’Azerbaïdjan à l’encontre de l’héritage culturel arménien marque la volonté de couper le peuple arménien de la région de son histoire, de ses biens matériels ou immatériels. Le patrimoine entendu au sens de l’identité culturelle est d’autant plus en danger. Nous avons déjà mis en exergue, dans différents textes, les liens de la population au patrimoine et les effets de sa destruction sur les individus, notamment : une vulnérabilité accrue. Le déni systématique de l’origine du patrimoine construit arménien est devenu une politique systémique en Azerbaïdjan. Toutes les églises trouvent leur origine chez les Albanais du Caucase, les épigraphies sont effacées et la reconversion du patrimoine arménien va bon train, devenant le support du refoulé de l’histoire. Il y a bien une nécessité à travailler sur la production et le sens des idées destinées à mobiliser d’autres groupes que les seuls groupes arméniens. La « politique de la signification « (S. Hall. 1982) et aussi le rôle de tous les acteurs sociaux, donc d’un nombre élargi d’individus d’origine arménienne, plus à même de saisir les enjeux des cadres de l’action collective, des processus discursifs et des interactions nécessaires en ces temps troubles pour le peuple arménien. « Mobiliser du consensus » et « Mobiliser de l’action » est un enjeu essentiel. (Benford, Snow) L’action collective n’est pas l’addition d’attitudes personnelles mais bien l’aboutissement de négociations partagées qui permettent de définir les cadres d’injustice (W.A. Gamson) contre lesquels l’action collective se déploiera. On a vu durant le conflit et jusqu’à présent, les tensions qui surgissent autour de l’identification des responsabilités. D’autre part, les griefs exposés sur la toile questionnent sur autre point : aucune proposition de solution, de plan ou de stratégies. Une vaste agitation. Plus les cadres de l’action collective semblent rigides, fermés, exclusifs moins ils auront de chance d’avoir une portée élargie. Je le répète se laisser enfermer dans un conflit civilisationnel est plus que restrictif, cela est dangereux. Nous n’avons fait que répondre aux discours performatifs d’Alyiev, sans élaborer, nous-mêmes, un discours qui aurait touché divers segments de population. Il faut immédiatement préciser que le monde était prêt à croire le président Alyiev, considéré pour divers intérêts (économiques, géopolitiques etc.) comme éminemment plus crédible que n’importe quel éminent individu Arménien. La « boite à outils » arménienne semblait bien vide (Ann. Swindler) c’est-à-dire un ensemble de ressources culturelles à partir desquelles sont élaborés de nouvelles stratégies d’actions collectives, par exemple. Une réponse collective aux failles des prescriptions communautaires ? L’identité collective arménienne doit elle se résoudre à être un simple réseau d’échanges qui aurait pour résultat un « bricolage » de l’action collective ? D’autant plus que l’espace communautaire ne se caractérise pas par un système d’échanges généralisés. On nous serine à n’en plus finir la nécessité de l’unité, mais on est pourtant dans un conflit de prescriptions. Il semble pourtant nécessaire de mettre en place un nouveau répertoire d’actions commun et un sens de l’action partagée. On ne peut pas passer son temps à invectiver les « suppôts des cocktails » ou à taxer tout individu qui pense autrement de « gauchiste ». On aboutit à la situation dans laquelle l’identité manifestée présente un champ étroit des caractéristiques communautaires, ce qui entraine des partages de connaissances lacunaires sur la communauté arménienne (génocide, un certain type de culture, politique mémorielle, etc.) avec l’ensemble de la population française. Un savoir tacite sur la communauté arménienne mais qui oblitère tout un autre éventail d’approches conceptuelles (sociologique, économique, anthropologie sociale, etc.). Il y a un rapport dialectique entre la communauté et la société comme il y a un rapport dialectique entre l’individu et la communauté (Simmel). Les liens communautaires ne sont pas aussi naturels et spontanés qu’il y paraît et il revient à l’organisation communautaire de mettre en place des stratégies formalisant et élargissant les possibilités de créer des liens communautaires, voire de produire un sentiment d’appartenance. La communauté arménienne de France est inscrite dans un système politique et social à volonté démocratique, c’est-à-dire, un système où la légitimité des appareils politiques dépend de leur capacité à représenter ce que veut la population, il est donc important pour tout acteur organisationnel d’être sûr d’agir et de donner forme aux demandes d’un ensemble important de la communauté. Il y a finalement plus ou peu de travail de collecte de données sur la communauté arménienne de France, des travaux qui permettraient de décrire et d’expliquer sa réalité. Le terme diaspora n’est pas a-historique, et l’absence de travaux (sociologie, anthropologie sociale, etc.) récents posent problème. Le peu de chiffres avancés apparaissent vite comme des objets de manipulation : les uns, voulant diminuer la force du nombre avancent 350.000/400.00, les autres, 600.000 Français d’origine arménienne, on comprend cette guerre des chiffres lorsque le gouvernement turc rappelle le million d’individus d’origine turque en France. Dans l’hexagone il est interdit de collecter les origines raciales, ethniques, les opinions politiques, religieuses, les appartenances syndicales ou sexuelles, comme les informations de santé des individus. Faute de sources administratives. La réalité du fait communautaire ne peut reposer que sur les enquêtes qui passe par les institutions communautaires, or ce sont en général des structures associatives loi 1901. On constate donc une littérature importante sur ces associations (histoire notamment) mais les chiffres sont peu fiables car rares, voire inexistants. Pourquoi savoir ? Pour éviter, par exemple que n’importe qui dise n’importe quoi sur la communauté arménienne, mais plus sérieusement parce qu’une diaspora est évolutive (il ne s’agit pas ici de traiter de l’inflation du terme). Pour mieux comprendre la réalité qui se cache derrière le concept de diaspora, mieux comprendre quelle est sa substance en 2022. Sa structuration spatiale a changé (depuis quelques années les arrivants d’Arménie sont nombreux, elle s’est donc enrichie d’une autre forme de migrants que dans les années 1970/1990). Cette absence de travaux, notamment sociologique, entraîne une « illusion fixiste » (S.Dufoix.) comme si toutes les structures étaient à jamais inscrites dans le temps, nous ne pouvons pas faire l’économie de comprendre les processus dans la communauté et simplement acquiescer aux dénominations. Durant la guerre, nous avons pu constater ce que la psychologie sociale avait noté depuis un certain temps : la cohésion à l’intérieur d’un groupe (Brewer et Roderick.1986) par la conformité aux normes et notamment en période de conflit (Fiske et Taylor.2011), l’appel au consensus, va vite révéler un discours convenu. Consensus dont il faudrait discuter la nécessité dans différents contextes tout comme de la valeur du conflit dans une communauté. On reprochera à certains de mettre en danger l’unité du groupe, par des propos allant à l’encontre de ce que les entrepreneurs communautaires veulent offrir comme réponses aux autorités françaises, réponses socialement valorisées et attendues par les institutions. Comme si toute complexité ou diversité représentait un danger. Mais un danger pour qui ? Et pourquoi ? Le coût de la mobilisation ? Partant des travaux de Olson (1965) ou de Tilly(1988) nous savons que la répression a un effet négatif sur les mouvements sociaux car elle pèse sur le coût de la mobilisation et provoque des désaccords. La dernière guerre en Artsakh a montré les failles parmi les divers groupes diasporiques. Le désir de complaire aux différentes institutions a été largement discuté, avec plus de véhémence sur un réseau comme twitter mais largement repris sur Facebook. Si l’élaboration de la figure de l’ennemi turc reste évidente (les désastres de la guerre et les exactions n’ont fait que la justifier) la posture communautaire face aux institutions françaises, européennes ou mondiales, comme face au gouvernement arménien a divisé le groupe arménien. Posture considérée comme une attitude de compromis insoutenable face aux « manquements » des institutions nationales et internationales. Ces attitudes du leadership communautaire arménien comme du gouvernement arménien fera renaître un esprit de lutte, du moins suscitera un appel à la lutte qui a animé l’histoire de la résistance arménienne durant plus de cent ans. D’autre part cette opposition a révélé une modalité de fonctionnement centre /périphérie (l’Arménie étant le centre) qui ne pouvait pas fonctionner pour une grande partie de la population arménienne en France au vu des manquements du gouvernement arménien (communication en temps de crise, gestion en temps de crise, etc.) Mais cela a engendré un conflit de légitimité dans les frontières internes de la communauté. Conflit accentué par les soupçons que N. Pachinian puisse reconnaître l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan déjà assumée par la communauté internationale. On a vu donc s’exprimer, avec beaucoup de détermination des formes de mobilisation et des mouvements qui mettent le politique au cœur de leurs revendications (Charjoum, le mouvement, par exemple) et qui rappelle la nécessité de la lutte pour une population arménienne du Haut-Karabagh en danger d’exil ou de mort. Reste à comprendre dans quelle mesure ces différents changements auront un impact sur des postures de compromis, de lobbying, de militance ou des modalités d’action. Il est par contre assez évident que les discours politiquement neutres ne correspondent plus aux attentes de la communauté arménienne d’autant plus que l’on dénie au peuple arménien de l’Artsakh (Haut-Karabagh) des droits fondamentaux (absence de visite des commissions de l’UNESCO et de l’ONU, par exemple). On peut aussi souligner que de manière balbutiante, l’engagement politique est en corrélation avec un projet social différent. Il faudrait définir les profils des personnes engagés dans ce processus et les seuls relevé, classification et analyse des posts sur les différents réseaux sociaux ne suffissent pas pour cela. Mais tout un pan de la diaspora arménienne reste invisible sans que l’on cherche à s’interroger sur le sens social de cette invisibilité. On a pu constater que des individus qui était peu enclins à intervenir dans les débats communautaires participaient au mouvement d’indignation que l’immoralité (restons dans le champ de l’éthique et de la morale) du gouvernement azerbaïdjanais et de son corollaire turc soulevait. Cette population permet, finalement de saisir des mécanismes à l’œuvre dans la diaspora arménienne, moins appréhendés que ceux mis en place par les leaders ou les « actifs diasporiques ». Une partie silencieuse de la diaspora s’est réveillé pendant le conflit, souvent située là où le désengagement se joue voire la désappartenance, concepts importants car autour d’eux se jouent des valeurs ou des devoirs dont on se libère parce que l’on ne se reconnaît plus comme composante du groupe ou que l’on n’y trouve plus un travail de réflexion ou parce que les contextes sociaux ou politiques ont évolué. Sortir de la mythification de la diaspora pour mieux en connaître les contours réels est un travail essentiel pour saisir les rouages de la loyauté identitaire, de la prise de parole, des contenus, des défections ou de la posture militante, entre autres. Les enjeux entre contraintes individuelles et l’engagement collectif. Le consensus autour de la demande de justice pour le peuple arménien du Haut-Karabagh devrait permettre la pluralité au sein de la communauté sans que cela soit vécu comme un danger, mais plutôt envisagé comme le reflet des capacités d’adaptation de la communauté arménienne à des évolutions nécessaires dans des contextes politiques, sociaux et internationaux en pleine mutation. Lire la 2ème partie : https://www.hyestart.net/post/le-conflit-de-l-artsakh-et-la-diaspora-2

  • Հայսթարթ կազմակերպությունը վերահաստատում է իր դիրքորոշումը՝ Արցախահայության իրավունքների վերաբերյալ

    Հայաստանյան ընդդիմության փողոցային ցույցերի կապակցությամբ, որոնց նպատակն է տապալել վարչապետ Փաշինյանի ժողովրդավարական ճանապարհով ընտրված իշխանությունը, մենք ցանկանում ենք ասել, որ գոյություն ունի երրորդ ճանապարհ, որը հնարավոր և ցանկալի է: Մենք չենք ընդունում սոցիալական ցանցերում այս կամ այն կողմի աջակիցների միջև հնչող այն բռնի արտահայտությունները («դավաճաններ», «կոռումպացվածներ» և այլն), որոնք, ցավոք, ընգծում են Հայաստանի քաղաքացիների մտավոր ինքնավարության հանդեպ վստահության պակասը, վավերացնում են մի համակարգ, որը լոկ բինար ընտրություն է առաջարկում որպես լուծում, և վախով թելադրված այն հրամայականն առաջ քաշում, որը պահանջում է ենթարկվել՝ խուսափելու համար անդունդից կամ անէությունից: Հնազանդությունը քաղաքացիական է միայն որոշակի պայմաններում: Մեզ, սակայն, թվում է, որ հնարավոր է միաժամանակ պաշտպանել մարդու իրավունքները, բոլոր մարդկային իրավունքները, և հայ ազգի՝ իր հողի վրա խաղաղ ու անվտանգ ապրելու իրավունքները: Այս համատեքստում կարելի է ափսոսանք հայտնել /ցավալի է/, որ նախկին օմբուդսմենի որակի մարդիկ, որոնք, կարծում ենք, այդ համադրության կրողներն են, դեռևս չեն դիտարկվում որպես հնարավոր լուծման տարբերակ, հայ հասարակության ծայրահեղ բևեռացման պայմաններում, մինչ պետությունը ևս մեկ անգամ քայքայվում է՝ տեղը զիջելով մրցակցող ավատատիրությունների: Հայաստանը կարող է հպարտանալ, որ ավելի ժողորվդավար է, քան իր բոլոր հարևանները, ներառյալ Վրաստանը, որը նույնպես զիջում է Հայաստանին մամուլի ազատության ցուցանիշով՝ ըստ «Լրագրողներ առանց սահմանների» կազմակերպության վերջին զեկույցի: Հայաստանը, ի տարբերություն իր թուրք հարևանների, հրավիրվել էր 2021 թվականի դեկտեմբերին ԱՄՆ-ում կազմակերպված ժողովրդավարության գագաթաժողովին: Այնուամենայնիվ, կարելի է արդարացիորեն հարց տալ, թե ինչ իրական օգուտներ են քաղում հայերն՝ Արևմուտքի կողմից փակցված այս ժողովրդավարական պիտակից, երբ տեսնում ենք, օրինակ, որ հակառակ նրան, թե ինչ էր ասվել պատերազմից անմիջապես հետո, ի վերջո գրեթե հավասարություն կա այն գումարների միջև, որ Եվրամիությունը ներդնելու է Հայաստանում և Ադրբեջանում առաջիկա տարիներին: Երբ տեսնում ենք, օրինակ, որ չնայած ամերիկյան վարչակազմի կողմից հայոց ցեղասպանության ճանաչմանը, պահպանվում է Ադրբեջանին տրվող հսկայական ռազմական օգնությունը, մինչդեռ Հայաստանին հատկացվող գումարները, բոլոր բնագավառներում, շատ չնչին են թվում: 2022 թ.-ի մայիսի սկզբին Վաշինգտոնում իր հայ պաշտոնակցի ընդունելության ժամանակ պետքարտուղար Բլինքենը ողջունել է Հայաստանին՝ Ղարաբաղի հարցում իր ցուցաբերած «ճկունության» համար: Արևմուտքի էներգետիկ շահերը, առավել ևս՝ ռուսական ածխաջրածիններից հրաժարման պայմաններում, դրդում են այդ երկրներին՝ մեր երկրներին (Ֆրանսիա, ԱՄՆ, ԵՄ), ինչպես նշել էր անձամբ վարչապետ Փաշինյանը՝ պահանջել Հայաստանից, որ վերջինս «իջեցնի» նշաձողը՝ Լեռնային Ղարաբաղի հարցում, այլ կերպ ասած, որ հրաժարվի, կարծես թե, մի բանից, ինչն այնուհանդերձ Փաշինյանի նախընտրական խոստումներից մեկն էր՝ Արցախի ժողովրդի ինքնորոշման իրավունքը: Հիրավի, Արցախի ժողովրդի ինքնորոշման իրավունքը 2021 թվականի հունիսի խորհրդարանական ընտրություններում թեկնածու Փաշինյանի «Քաղաքացիական պայմանագիր» կուսակցության նախընտրական ծրագրում ներառված էր հետևյալ կերպ (1). «Մոտակա տարիներին մեր գլխավոր խնդիրը պետք է լինի աղետալի պատերազմի հետևանքների վերացումը, ինչպես նաև Արցախի ժողովրդի անվտանգության ապահովումն ու Ղարաբաղյան հակամարտության խաղաղ և համապարփակ կարգավորումը՝ հիմնված Արցախի ժողովրդի ինքնորոշման՝ առանց սահմանափակումների իրականացման վրա, որը բխում է Արցախի ժողովրդի գոյութենական վտանգներին դիմակայելու անհրաժեշտությունից։ Այն փաստը, որ մարդու իրավունքների զանգվածային խախտումների և զանգվածային ոճրագործությունների հետևանքով հայաթափվել են Արցախի բոլոր այն տարածքները, որտեղ հաստատվել է ադրբեջանական վերահսկողություն, մատնանշում է, որ Արցախի ժողովուրդը չի կարող գոյատևել Ադրբեջանի ենթակայության ներքո»: Արդյո՞ք սա բավարար է՝ այսօր նրա հրաժարականը պահանջելու համար: Արդո՞ք կառավարության լեգիտիմության այս հարցադրումը պետք է ներառել իշխանության որոշակի պահին, երբ միևնույն ժամանակ արձանագրում ենք մեծաթիվ ձերբակալություններ և բռնություններ: Ժողովրդավարական հասարակությունում՝ անկասկած: Նույնիսկ եթե լեգիտիմության հայեցակարգը մնում է դժվար ըմբռնելի, կարելի է ընդգծել, որ ցանկացած քաղաքական իշխանություն հիմնովին հենվում է լեգիտիմության վրա, որը ենթադրում է վստահություն, սկզբնական որոշակի հեղինակություն և հետևողական ու վստահելի բնույթ: Մենք, որ աջակցել էինք նրան 2018 թ.-ի իշխանափոխության ժամանակ, որը նոր հեռանկարներ էր բացում, քանզի քաղաքացիական անհնազանդությունը քաղաքական գործունեության մի ձև է, որը նշանավորում է քաղաքացու կարողությունների գիտակցումը, կոչ ենք անում նրան այսօր՝ հարգել իր նախընտրական խոստումը Արցախի ժողովրդի ինքնորոշման հարցում: Եվ մենք սա ասում ենք՝ որպես հայ ազգի անդամներ: Քանզի ակնհայտ է, որ հայերը չեն կարող ապահով լինել Բաքվի ինքնիշխանության ներքո, ինչպիսին էլ լինի ընտրված ձևը (առավել կամ պակաս ինքնավարություն): Նման դեպքերում գոյություն ունի մի հայեցակարգ, որն առնվազն երկու անգամ կիրառվել է Սառը պատերազմի ավարտից ի վեր՝ Կոսովոյի և Արևելյան Թիմորի պարագայում. «Անջատում հանուն փրկության» բանաձևը: Բնակչությունը, որը ցեղասպանության կամ էթնիկ զտման սպառնալիքի տակ է՝ այն պետության կողմից, որի ենթակայության տակ է գտնվում, կարող է օրինաչափորեն պահանջել իր ինքնորոշման իրավունքը՝ որպես ծայրահեղ միջոց՝ հանուն իր գոյատևման և անվտանգության: Եթե երբևէ մի ժողովուրդ գտնվել է նման իրավիճակում, ապա այսօր դա հենց արցախահայությունն է: Ադրբեջանի կողմից պատերազմի սանձազերծումը չի կարող չեղարկել Արցախի ժողովրդի ինքնորոշման իրավունքը, եթե իհարկե միջազգային հանրությունը չի համարում, որ ուժի կիրառումը պետք է խրախուսվի: Հետևելով Արդարադատության միջազգային դատարանի 2021 թվականի դեկտեմբերի 7-ի վճռին (2), որը հաստատում է Ադրբեջանում հակահայկական ռասիզմի պետական բնույթը, ինչպես նաև Եվրախորհրդարանի 2022 թվականի մարտի 10-ի բանաձևին (3), որն ընդգծում է, որ «տարածաշրջանում հայկական մշակութային ժառանգության ոչնչացումը հանդիսանում է հայատյացության, պատմական ռևիզիոնիզմի և հայերի նկատմամբ ատելության համակարգային, պետական մակարդակով քաղաքականության ավելի լայն օրինաչափության մի մասը», մենք կոչ ենք անում միջազգային հանրությանը, այդ թվում՝ Հայաստանին, հետևողական լինել և ճանաչել արցախահայության ինքնորոշման իրավունքը: Դա կլիներ նվազագույնը, որ կարելի է անել հայերի համար, ովքեր մեկ ու կես ամիս շարունակ միայնակ մարտնչել են իրենց կողմից չհրահրված պատերազմում, որ իրենց դեմ սանձազերծել էին շատ ավելի հզոր ուժերը՝ համաշխարհային համավարակի և ԱՄՆ նախագահական ընտրությունների համատեքստում: Արդարության ի՞նչ պահանջներ ունենք: Եթե ընդունում ենք, որ օրենքը թելադրում են ոչ թե ամենաուժեղի իրավունքն ու իշխանությունը, այլ ճշմարտությունը, ապա միայն արցախահայության ինքնորոշման իրավունքի միջազգային ճանաչումը կկարողանա ապագայում պահպանել վերջինիս անվտանգությունը: Հղումներ (1) https://www.civilcontract.am/hy/1619349203 (2) https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/180/180-20211207-PRE-01-00-EN.pdf (3) https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20220304IPR24806/human-rights-breaches-in-myanmar-mexico-and-nagorno-karabakh

  • Hyestart réitère son positionnement sur les droits du peuple arménien de l’Artsakh

    A la faveur des manifestations de rue de l'opposition arménienne qui visent à renverser le pouvoir démocratiquement élu du Premier Ministre Pachinian, nous tenons à dire qu'une troisième voie est possible et souhaitable. Nous ne nous reconnaissons pas dans la violence des propos (« traitres », « corrompus », etc.) entre les partisans des uns et des autres sur les réseaux sociaux qui soulignent, malheureusement, le manque de confiance dans l’autonomie intellectuelle des citoyens arméniens, entérinent un système qui n’offre qu’un choix binaire comme seule solution et font ressortir l’injonction, dictée par la peur, à se plier pour éviter l’abime ou le néant. L’obéissance n’est civile qu’à certaines conditions. Il nous semble cependant qu'il est possible, toute à la fois, de défendre les droits humains, tous les droits humains, et les droits de la nation arménienne à vivre en paix et en sécurité sur ses terres. Dans ce contexte-là, on peut regretter que des hommes de la qualité de l’ancien Ombudsman, et nous semble-t-il porteurs de cette synthèse-là, ne soient pas encore considérés comme un recours possible face à la polarisation extrême de la société arménienne, alors que l’Etat se défait à nouveau pour laisser place à des féodalités concurrentes. L'Arménie peut s'enorgueillir d'être plus démocratique que tous ces voisins, y compris la Géorgie elle aussi derrière l'Arménie au dernier classement RSF de la liberté de la presse. L'Arménie, contrairement à ses voisins turcs, a été invitée au sommet de la démocratie organisé par les Etats-Unis en décembre 2021. On peut cependant légitimement se demander quels bénéfices concrets les Arméniens retirent de cette étiquette démocratique apposée par l'ouest quand on voit par exemple que, contrairement à ce qui avait été dit peu après la guerre, il y a finalement quasi parité dans les sommes que l'Union européenne va investir en Arménie et en Azerbaïdjan dans les prochaines années. Quand on voit, par exemple, que malgré la reconnaissance du génocide des Arméniens par l’Administration américaine, une aide militaire massive est maintenue à l’Azerbaïdjan, alors que les sommes allouées à l’Arménie, dans tous les domaines, semblent bien dérisoires. Lors de la réception de son homologue arménien à Washington début mai 2022, le Secrétaire d’Etat A. Blinken a félicité l'Arménie pour sa "flexibilité" sur la question du Karabagh. Les intérêts énergétiques des occidentaux, plus encore dans un contexte de désengagement total par rapport aux hydrocarbures russes, poussent ces pays, nos pays (France, Etats-Unis, UE), comme l'a indiqué le premier ministre Pachinian lui-même, à exiger de l'Arménie qu'elle "abaisse" la barre sur la question du Haut-Karabagh, c'est-à-dire qu'elle renonce, semble-t-il, à ce qui était pourtant une promesse de campagne de Pachinian, le droit à l'autodétermination du peuple d'Artsakh (Karabagh). Le droit à l'autodétermination du peuple d'Artsakh figurait en effet dans le programme électoral du Contrat civil du candidat Pachinian lors des législatives de juin 2021 sous cette forme (1) : « Notre principal objectif dans les années à venir doit être d'éliminer les conséquences de la guerre catastrophique, ainsi que d'assurer la sécurité du peuple d'Artsakh et le règlement pacifique et global du conflit du Karabakh sur la base de l'autodétermination du peuple d'Artsakh sans restrictions, qui découle de la nécessité de résister aux risques existentiels du peuple d'Artsakh. Le fait que les Arméniens aient été expulsés de tous les territoires de l'Artsakh où le contrôle azéri a été établi à la suite de violations massives des droits humains et de crimes, indique que le peuple de l'Artsakh ne peut pas survivre sous la subordination de l'Azerbaïdjan ». Est-ce suffisant pour demander aujourd'hui sa démission ? Faut-il intégrer ce questionnement sur la légitimité d’un gouvernement dans un moment précis d’un pouvoir, alors qu’en même temps on constate des arrestations et des violences en nombre ? Dans une société démocratique, sans aucun doute. Même si le concept de légitimité reste difficile à saisir, on peut souligner que tout pouvoir politique repose fondamentalement sur la légitimité qui renvoie à la confiance, à un crédit initial et à ce qui possède un caractère cohérent et crédible. Nous, qui l'avions soutenu lors d’une prise de pouvoir en 2018 porteuse de nouvelles perspectives, puisque la désobéissance civile est une forme d’action politique qui marque la prise de conscience de la capacité du citoyen, l'appelons aujourd'hui à honorer sa promesse de campagne sur l’autodétermination du peuple d'Artsakh. Nous le disons en tant que membres de la nation arménienne. Car il est parfaitement clair que les Arméniens ne pourront pas être en sécurité sous la souveraineté de Bakou, quelle que soit la forme choisie (plus au moins d’autonomie). Dans ces cas-là, il existe un concept qui a été appliqué au moins deux fois depuis la fin de la guerre froide, pour le Kosovo et pour Timor-Est: la sécession remède. Une population menacée de génocide ou de nettoyage ethnique par l’Etat dont elle dépend peut légitimement revendiquer en ultime recours son droit à l’autodétermination au nom de sa survie et de sa sécurité. Si un peuple a jamais été dans une telle situation, ce sont aujourd’hui les Arméniens de l'Artsakh. Le déclenchement de la guerre par l'Azerbaïdjan ne peut pas annuler le droit à l’autodétermination du peuple d'Artsakh, sauf à ce que la communauté internationale reconnaisse que le recours à la force doive être récompensé. Dans la foulée de l'arrêt de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 7 décembre 2021 (2), qui affirmait le caractère étatique du racisme anti-arménien en Azerbaïdjan, et de la résolution du parlement européen du 10 mars 2022 (3) qui souligne que "l’effacement de l’héritage culturel arménien dans la région s’inscrit dans le cadre d’une politique étatique d’arménophobie systématique, de révisionnisme historique et de haine à l’égard des Arméniens promue par les autorités azerbaidjanaises", nous appelons la communauté internationale, y compris l'Arménie, à être conséquente avec elle-même et à reconnaître le droit à l’autodétermination des Arméniens d'Artsakh. Ce serait la moindre des choses pour les Arméniens qui ont combattu seuls une guerre d'agression non provoquée lancée contre eux par des forces bien supérieures pendant un mois et demi en plein milieu d'une pandémie mondiale et des élections présidentielles américaines. Quelles exigences de justice avons-nous ? Si nous n’acceptons pas que ce soit le droit et l’autorité du plus fort qui édictent la loi, mais la vérité, alors seule une reconnaissance internationale du droit à l’autodétermination du peuple de l’Artsakh pourra préserver sa sécurité à l’avenir. Notes : (1): https://fip.am/en/18999 (2): https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/180/180-20211207-PRE-01-00-EN.pdf (3): https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20220304IPR24806/human-rights-breaches-in-myanmar-mexico-and-nagorno-karabakh

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