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Les droits culturels sont des droits humains



Placido Domingo lors du séminaire de l'ONU sur les droits culturels à Genève (juillet 2017)

Nous avons besoin d'exemples positifs dans le Caucase du Sud et de mécanismes efficaces de reddition des comptes

Hyestart a participé au séminaire sur les droits culturels et la protection du patrimoine culturel organisé par le haut-commissariat aux droits de l'homme de l'ONU. Ce séminaire participatif a donné lieu à des échanges intéressants, a permis de présenter des exemples positifs et a débouché sur un certain nombre d'engagements concrets (dont nous reparlerons) grâce, notamment, à l'engagement de la rapporteuse spéciale pour les droits culturels Karima Bennoune. Cette dernière n'a pas hésité à utiliser des expressions comme "Front line cultural heritage defenders". Il faut en effet rappeler ici que de nombreuses personnes ont donné leur vie pour défendre le patrimoine culturel en Syrie, en Irak ou en Afghanistan par exemple.

De nombreuses ONG ont pris la parole. Il faut ici saluer le caractère participatif et ouvert de ce séminaire onusien. Les Etats ont également pris la parole. On peut ici déplorer la faible participation étatique. Il y avait au plus une trentaine d'Etats participants sur une thématique ô combien importante. La rapporteuse spéciale a souligné le besoin d'une approche holistique (abordant toutes les régions du monde, ayant un volet éducatif mais aussi répressif, concernant les régions en conflit et celles qui ne le sont pas, etc.). Au final, il faut, a-t-elle dit, renforcer la reddition des comptes. On ne peut que lui donner raison.

La Turquie n'assistait pas au séminaire. Alors qu'une cinquantaine de biens religieux assyriens vient d'être saisie en Turquie, la Turquie présente un exemple concret de destruction de biens culturels situés hors zone de conflit. Par exemple, comme le rappelait récemment le professeur Khatchig Mouradian, près du village de Digor, à 25 kilomètres au sud d'Ani, il y avait encore il y a quelques décennies de cela 5 monastères arméniens construits entre les 10ème et 13ème siècle. Aujourd'hui, après une campagne étatique de destruction, il ne reste plus qu'un monastère (en mauvais état) sur les cinq en question[1]. Des mécanismes de reddition des comptes, si jamais ils étaient renforcés, pourraient-ils s'appliquer de manière rétroactive?

En attendant, il faudrait que la Turquie élabore un inventaire complet des patrimoines culturels arménien, grec, assyrien et autres, détruits ou endommagés ces dernières décennies, et il faudrait que la Turquie ratifie la convention de l'UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

De nombreux experts ont également pris la parole. Certains d'entre eux n'avaient malheureusement pas obtenu de visa et ont du intervenir par vidéo, à distance. C'était le cas notamment de Omara Khan Masoudi, ancien directeur du musée national d'Afghanistan. Il a conclu son intervention par les mots suivants: "Une nation reste en vie lorsque sa culture et son histoire reste en vie".

Parmi les Etats, il convient de retenir un exemple positif et un qui l'est moins dans la région d'intervention de Hyestart malheureusement. L'exemple positif est celui de Chypre. Malgré l'échec des négociations de réunification menées à Crans-Montana sous l'égide de l'ONU, les deux co-présidents du comité technique sur le patrimoine culturel (TCCH, sous l'égide de l'ONU), un chypriote grec et un chypriote turc, ont pris la parole l'un après l'autre pour souligner combien la préservation de l'héritage culturel sur l'ile était mené en bonne intelligence par les deux communautés de part et d'autre de la ligne verte.

En revanche, l'Azerbaïdjan et l'Arménie se sont livrés à une passe d'armes. Alors que l'Azerbaïdjan réclamait une condamnation plus forte des destructions culturelles dans les "zones occupées", demandant la mise en place d'un mécanisme permettant aux individus de porter plainte, l'Arménie invitait la communauté internationale à ne pas permettre l'utilisation d'un conflit en tant qu'excuse pour détruire un patrimoine culturel qui ne se trouve pas en zone de conflit, en donnant l'exemple de la destruction du cimetière de Djoulfa par l'"Etat voisin" entre 1998 et 2005[2],[3].


Mosquée de Chouchi

L'Arménie aurait peut-être pu, à la suite de l'exemplarité mise en avant par Chypre, et malgré les problèmes qu'a connu cette île en la matière, également donner l'exemple positif de la rénovation en cours (jusqu'à l'automne 2018), grâce au soutien de la fondation IDEA, de la mosquée Gohar Agha de Chouchi (Haut-Karabagh)[4]. Dans cette région meurtrie par une guerre qui menace par ailleurs de reprendre à chaque instant, on ne soulignera jamais assez l'exemple positif que cela peut, que cela doit, représenter pour la région en termes de confiance et de réconciliation.

Dans un tel contexte conflictuel, des exemples de ce type devraient être plus nombreux, dans le sillage par exemple des ensembles monastiques arméniens de l'Iran inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2008.

[1] Pour plus d'informations, voir www.virtualani.org/khtzkonk

[2] Djoulfa était le plus cimetière de khatchars arménien (plus de 10000 datant des 16è et 17è siècles) situé dans l'exclave azérie du Nakhitchevan (en effet situé à mille lieux de la zone de conflit du haut-Karabagh).

[3] Rapport de l'American Association for the Advancement of Science (AAAS) sur la question: https://www.aaas.org/page/high-resolution-satellite-imagery-and-destruction-cultural-artifacts-nakhchivan-azerbaijan


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