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Hyestart réitère son positionnement sur les droits du peuple arménien de l’Artsakh



A la faveur des manifestations de rue de l'opposition arménienne qui visent à renverser le pouvoir démocratiquement élu du Premier Ministre Pachinian, nous tenons à dire qu'une troisième voie est possible et souhaitable. Nous ne nous reconnaissons pas dans la violence des propos (« traitres », « corrompus », etc.) entre les partisans des uns et des autres sur les réseaux sociaux qui soulignent, malheureusement, le manque de confiance dans l’autonomie intellectuelle des citoyens arméniens, entérinent un système qui n’offre qu’un choix binaire comme seule solution et font ressortir l’injonction, dictée par la peur, à se plier pour éviter l’abime ou le néant. L’obéissance n’est civile qu’à certaines conditions.


Il nous semble cependant qu'il est possible, toute à la fois, de défendre les droits humains, tous les droits humains, et les droits de la nation arménienne à vivre en paix et en sécurité sur ses terres. Dans ce contexte-là, on peut regretter que des hommes de la qualité de l’ancien Ombudsman, et nous semble-t-il porteurs de cette synthèse-là, ne soient pas encore considérés comme un recours possible face à la polarisation extrême de la société arménienne, alors que l’Etat se défait à nouveau pour laisser place à des féodalités concurrentes.


L'Arménie peut s'enorgueillir d'être plus démocratique que tous ces voisins, y compris la Géorgie elle aussi derrière l'Arménie au dernier classement RSF de la liberté de la presse. L'Arménie, contrairement à ses voisins turcs, a été invitée au sommet de la démocratie organisé par les Etats-Unis en décembre 2021. On peut cependant légitimement se demander quels bénéfices concrets les Arméniens retirent de cette étiquette démocratique apposée par l'ouest quand on voit par exemple que, contrairement à ce qui avait été dit peu après la guerre, il y a finalement quasi parité dans les sommes que l'Union européenne va investir en Arménie et en Azerbaïdjan dans les prochaines années. Quand on voit, par exemple, que malgré la reconnaissance du génocide des Arméniens par l’Administration américaine, une aide militaire massive est maintenue à l’Azerbaïdjan, alors que les sommes allouées à l’Arménie, dans tous les domaines, semblent bien dérisoires. Lors de la réception de son homologue arménien à Washington début mai 2022, le Secrétaire d’Etat A. Blinken a félicité l'Arménie pour sa "flexibilité" sur la question du Karabagh. Les intérêts énergétiques des occidentaux, plus encore dans un contexte de désengagement total par rapport aux hydrocarbures russes, poussent ces pays, nos pays (France, Etats-Unis, UE), comme l'a indiqué le premier ministre Pachinian lui-même, à exiger de l'Arménie qu'elle "abaisse" la barre sur la question du Haut-Karabagh, c'est-à-dire qu'elle renonce, semble-t-il, à ce qui était pourtant une promesse de campagne de Pachinian, le droit à l'autodétermination du peuple d'Artsakh (Karabagh).


Le droit à l'autodétermination du peuple d'Artsakh figurait en effet dans le programme électoral du Contrat civil du candidat Pachinian lors des législatives de juin 2021 sous cette forme (1) : « Notre principal objectif dans les années à venir doit être d'éliminer les conséquences de la guerre catastrophique, ainsi que d'assurer la sécurité du peuple d'Artsakh et le règlement pacifique et global du conflit du Karabakh sur la base de l'autodétermination du peuple d'Artsakh sans restrictions, qui découle de la nécessité de résister aux risques existentiels du peuple d'Artsakh. Le fait que les Arméniens aient été expulsés de tous les territoires de l'Artsakh où le contrôle azéri a été établi à la suite de violations massives des droits humains et de crimes, indique que le peuple de l'Artsakh ne peut pas survivre sous la subordination de l'Azerbaïdjan ». Est-ce suffisant pour demander aujourd'hui sa démission ? Faut-il intégrer ce questionnement sur la légitimité d’un gouvernement dans un moment précis d’un pouvoir, alors qu’en même temps on constate des arrestations et des violences en nombre ? Dans une société démocratique, sans aucun doute. Même si le concept de légitimité reste difficile à saisir, on peut souligner que tout pouvoir politique repose fondamentalement sur la légitimité qui renvoie à la confiance, à un crédit initial et à ce qui possède un caractère cohérent et crédible. Nous, qui l'avions soutenu lors d’une prise de pouvoir en 2018 porteuse de nouvelles perspectives, puisque la désobéissance civile est une forme d’action politique qui marque la prise de conscience de la capacité du citoyen, l'appelons aujourd'hui à honorer sa promesse de campagne sur l’autodétermination du peuple d'Artsakh. Nous le disons en tant que membres de la nation arménienne.


Car il est parfaitement clair que les Arméniens ne pourront pas être en sécurité sous la souveraineté de Bakou, quelle que soit la forme choisie (plus au moins d’autonomie). Dans ces cas-là, il existe un concept qui a été appliqué au moins deux fois depuis la fin de la guerre froide, pour le Kosovo et pour Timor-Est: la sécession remède. Une population menacée de génocide ou de nettoyage ethnique par l’Etat dont elle dépend peut légitimement revendiquer en ultime recours son droit à l’autodétermination au nom de sa survie et de sa sécurité. Si un peuple a jamais été dans une telle situation, ce sont aujourd’hui les Arméniens de l'Artsakh.


Le déclenchement de la guerre par l'Azerbaïdjan ne peut pas annuler le droit à l’autodétermination du peuple d'Artsakh, sauf à ce que la communauté internationale reconnaisse que le recours à la force doive être récompensé.


Dans la foulée de l'arrêt de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 7 décembre 2021 (2), qui affirmait le caractère étatique du racisme anti-arménien en Azerbaïdjan, et de la résolution du parlement européen du 10 mars 2022 (3) qui souligne que "l’effacement de l’héritage culturel arménien dans la région s’inscrit dans le cadre d’une politique étatique d’arménophobie systématique, de révisionnisme historique et de haine à l’égard des Arméniens promue par les autorités azerbaidjanaises", nous appelons la communauté internationale, y compris l'Arménie, à être conséquente avec elle-même et à reconnaître le droit à l’autodétermination des Arméniens d'Artsakh. Ce serait la moindre des choses pour les Arméniens qui ont combattu seuls une guerre d'agression non provoquée lancée contre eux par des forces bien supérieures pendant un mois et demi en plein milieu d'une pandémie mondiale et des élections présidentielles américaines. Quelles exigences de justice avons-nous ? Si nous n’acceptons pas que ce soit le droit et l’autorité du plus fort qui édictent la loi, mais la vérité, alors seule une reconnaissance internationale du droit à l’autodétermination du peuple de l’Artsakh pourra préserver sa sécurité à l’avenir.


Notes :





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