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De la nécessité pour les ONG droits humains de s'engager contre le cancer du négationnisme d'Etat

Dernière mise à jour : 21 juin 2019

Alexis Krikorian


Funérailles publiques de Hrant Dink à Istanbul, Janvier 2007

"Un gouvernement qui prend délibérément le parti de l'injustice et s'obstine dans son choix est en passe de devenir la risée du monde".

"Celui qui a discerné la vérité a reçu sa mission d'une autorité supérieure à celle du plus grand chef de la justice du monde qui ne peut discerner que la loi".

Henry David Thoreau. "L'esclavagisme au Massachussets".

Dans un contexte où le droit à la vérité émerge de plus en plus comme un droit intangible en droit international, et alors que l'ONU vient de reconnaitre le génocide khmer rouge[1], il est grand temps que les ONG de défense des droits humains intègrent la reconnaissance du génocide des Arméniens et des minorités chrétiennes de 1915 par la Turquie à leur panoplie de plaidoyer si elles souhaitent concourir de manière plus efficace encore à l'avènement d'une Turquie apaisée, réellement démocratique et respectueuse des droits humains.

Au-delà même de la question morale, il s'agit d'un impératif d'efficacité. En tant qu'ancien directeur du programme "liberté de publier" de l'Union internationale des Editeurs (UIE), je peux affirmer que s'engager pour qu'un éditeur ou un écrivain puisse publier un livre sur le génocide de 1915, l'un des 5 grands tabous de la Turquie moderne[2], en demandant le respect de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (relatif à la liberté d'expression) ou l'abolition de l'article 301 du code pénal turc (criminalisant l'insulte à la turcité), est nécessaire, mais ne suffit pas et ne fait qu'effleurer le problème. L'ONG qui demande la libération de tel écrivain ou l'acquittement de tel journaliste est condamnée, tel Sisyphe, à répéter, péniblement, le même geste, la même demande, en vain, écrivain après écrivain, éditeur après éditeur, journaliste après journaliste. Avant l'article 301, il y avait eu l'article 306. Après l'article 301, il y aura un autre article. Si ce n'est pas l'article 301, c'est la loi 5816, qui entend protéger la mémoire d'Atatürk de toute insulte, qui est utilisée. Si ce n'est pas cette loi, c'est l'immense arsenal anti-terroriste qui est utilisé pour criminaliser la pensée, enfermer ou faire fuir hors du pays les opposants, les penseurs libres et celles et ceux qui ont le goût de la vérité.

On voit de toute façon le peu de cas que l'Etat turc fait des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, par exemple dans l'affaire Demirtaş (en refusant de le relâcher malgré l'injonction de la Cour).

Dépasser le mythe de Sisyphe

Que faudrait-il que les ONG de défense des droits humains fassent pour dépasser le mythe de Sisyphe dans le cas édifiant de la Turquie? Il faudrait qu'elles aillent plus loin, aux racines du mal qui ronge ce pays depuis plus d'un siècle, l'enfermant dans un effroyable cycle de violence et de violation continue des droits humains. Après des décennies de silence sur cette question, elles doivent trouver en elles-mêmes le courage de demander à la Turquie de mettre en place une politique de la mémoire fondée sur le consensus scientifique et de mettre fin à sa politique officielle de négationnisme, véritable cancer pour les droits humains. Cette non-reconnaissance du génocide des Arméniens est la matrice de la violence de l'Etat turc envers toutes ses minorités. Elle est au cœur d'un système qui broie les droits humains. Demander la reconnaissance du génocide des Arméniens par la Turquie, c'est aussi, par exemple, aider la communauté LGBT de Turquie à voir ses droits enfin respectés. Car c'est s'engager réellement et puissamment pour une Turquie qui affronte et accepte son passé et qui respecte les différences, toutes les différences. Sinon, l'insulte "sperme d'Arménien" continuera à être utilisée en Turquie, même lorsque le dernier Arménien aura disparu des terres turques. De même que la communauté LGBT continuera d'être martyrisée, méprisée. Une Turquie en paix avec son passé et respectueuse des différences sera aussi un facteur d'apaisement dans la région, une force pour la paix.

Les raisons pour lesquelles les ONG de défense des droits humains doivent se saisir de la question du génocide des Arméniens

On ne peut pas demander aux Etats de comprendre cela car ce sont des "monstres froids" qui ne voient que leurs intérêts. Des organismes de salubrité publique comme le Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) ont par ailleurs amplement démontré, grâce à leurs enquêtes poussées, que certains politiciens ou dignitaires occidentaux étaient aisément corruptibles, comme l'époux de l'ex-dirigeante de l'UNESCO Irina Bokova (Kalin Mitrev) ou le parlementaire italien Luca Volonte[3].

Mais les ONG dont le but est la promotion des droits humains ne sont, elles, pas corruptibles et doivent impérativement comprendre la nécessité de se saisir de cette profondeur historique pour réellement faire la différence de manière durable, radicale et efficace dans le domaine des droits humains en Turquie. C'est la première et plus importante raison de la nécessité de leur engagement sur la question du génocide des Arméniens.

Contrairement au souhait des autorités turques, les ONG ne doivent surtout pas laisser cette "question" aux seuls historiens. Il existe en effet un consensus scientifique depuis fort longtemps sur le sujet et la question du génocide arménien est toujours d'actualité[4]. Ainsi, la vérité sur l'assassinat du journaliste turco-arménien Hrant Dink en 2007 (qui parlait ouvertement du génocide arménien) n'a toujours pas émergé (le fera-t-elle jamais ? D'après la justice turque, son assassinat ne résulte pas de la collusion d'un réseau illégal au sein de l'Etat turc). Le cas du mécène Osman Kavala, qui croupit aujourd'hui en prison sans être inculpé depuis plus d'un an déjà, montre également l'actualité de la question du génocide arménien en Turquie. Ce dernier a en effet toujours voulu contribuer à ce que la Turquie fasse son devoir de mémoire.

Deuxièmement, les ONG internationales doivent aussi s'engager sur cette question fondamentale afin de soutenir les courageuses ONG nationales turques qui s'engagent depuis des années déjà, malgré l'immensité du péril, sur la reconnaissance du génocide des Arméniens comme Dur De et l'association des droits humains (IHD), dont l'un des co-fondateurs n'est autre que l'éditeur Ragip Zarakolu, membre d'honneur de Hyestart.

Troisièmement, les ONG de défense des droits humains s'engagent de plus en plus pour arrêter le cycle de la violence dans les zones de crise afin de sauver des vies et de lutter contre l'impunité. Ces combats, menées par des personnes remarquables et grâce au recours aux nouvelles technologies, sont admirables et méritent d'être soutenus par tous les moyens, notamment financiers. Dans le cas de la Turquie et du Moyen-Orient, ces combats gagneraient encore davantage en efficacité si la perspective historique, toujours vivace, était enfin prise en compte afin d'enrichir le portefeuille de plaidoyer. Dénoncer la situation des Kurdes dans le district de Sur (Diyarbakir) est nécessaire, mais pas suffisant. Il convient également de dénoncer le cycle de violence étatique qui se répète depuis 100 ans au moins et qui a pour socle le négationnisme d'Etat. La situation à Sur ne pourra s'améliorer que si une politique de la mémoire se met en place et que si le génocide des Arméniens est reconnu.

Quatrièmement, le droit à la vérité (au sujet des violations flagrantes des droits humains) émerge de plus en plus en droit international comme un droit intangible lié au devoir de l'Etat de protéger et de garantir les droits humains[5]. Il reste en Turquie une petite communauté arménienne de 50000 membres qui a le droit à la vérité de la part de son Etat sur ce qui s'est passé il y a 100 ans et pourquoi et comment, par exemple, son effectif est passé de 2 millions à 50000 pendant cette période.

Enfin, les ONG droits humains et liberté d'expression ne peuvent pas être les complices (par omission) d'une politique de négationnisme d'Etat qui n'est rien d'autre qu'une politique profondément raciste qui conduit encore aujourd'hui à des assassinats, à des appels au meurtre ou à des scènes où l'armée turque, entrant dans un village kurde, "insulte" les habitants en les traitant de "sperme d'Arménien" au mégaphone. Elles doivent s'engager pour le démantèlement de ce négationnisme d'Etat qui est un poison pour la démocratie turque et pour les droits humains en Turquie.

Il convient ici de s'arrêter un moment sur le concept de négationnisme d'Etat dans le cas turc.

Le négationnisme d'Etat

Dans l'Encyclopédie du génocide et des crimes contre l'humanité, la négation du Génocide des Arméniens est définie comme l'"exemple le plus flagrant du déni par un Etat de son passé[6]".

Pour Gregory Stanton, fondateur de l'organisation Genocide Watch et ancien président de l'International Association of Genocide Scholars (IAGS), nier un génocide est la huitième et dernière étape d'un génocide[7]. " ll s'agit en fait d'une continuation du génocide, car il s'agit d'une tentative continue de détruire psychologiquement et culturellement le groupe des victimes, de nier même à ses membres le souvenir des meurtres de leurs proches". Depuis plus de 20 ans déjà cette dernière association a estimé à l'unanimité de ses membres que le massacre des Arméniens en 1915 était un génocide. Dès les années 1940, le créateur du concept de génocide, Raphaël Lemkin, parlait pour la première fois du "génocide arménien".

Pourtant, malgré le consensus scientifique international sur la question, la reconnaissance du génocide est hors de question en Turquie. Après la guerre, le déni de l'extermination est devenu, comme l'a dit l'historien turc Taner Akçam, l'un des mythes fondateurs de la République turque moderne.

La société turque d'Histoire a joué un rôle central dans l'élaboration de la position officielle turque. Créée par Atatürk dans les années 30, "elle a pour but de consolider l'identité turque par le biais de l'histoire, et sera donc amenée à défendre les thèses officielles turques au prix de l'écriture d'une histoire « officielle », complaisante, n'hésitant pas par exemple à contester l'origine altaïque des peuples turcs et l'antériorité de la présence arménienne en Arménie occidentale ou Anatolie orientale[8]".

Dans les manuels scolaires turcs, le génocide des Arméniens et les "événement de 1915" étaient tout simplement niés par omission avant 2003. Dès 2003, une circulaire du ministère de l'Éducation nationale turc exige que les manuels dénoncent désormais les « prétentions infondées des Arméniens, des Grecs et des Assyriens[9] ». 2003 était pourtant l'année de prise de pouvoir par l'AKP. Ce qui montre bien que par négationnisme d'Etat on entend un négationnisme qui ne dépend pas d'un gouvernement. Que ce soit l'AKP (droite), le CHP (gauche kémaliste), ou bien entendu le MHP (extrême-droite), la collusion des principaux partis politiques est totale sur le sujet.

L'institutionnalisation du négationnisme d'Etat couvre également le champ législatif avec, on l'a vu, l'article 301 du Code pénal (insulte à la nation turque). Faisons ici un léger retour en arrière: L'article 306 du nouveau Code pénal adopté le 27 septembre 2004 punissait de 3 à 10 ans de prison, ainsi qu'à de lourdes amendes, celles et ceux qui mettraient à mal l'intérêt national turc. Deux seuls exemples de mise à mal dudit intérêt national étaient cités dans l'article 306: appeler de ses vœux l'évacuation de Chypre nord par les troupes turques, ou dire que les Arméniens de l'Empire ottoman ont été victimes d'un génocide pendant la Première Guerre mondiale. Se faisant, la Turquie officialisait sa politique de négation du génocide des Arméniens dans son code pénal. Suite à des protestations diverses et variées, l'article 306 est devenu l'article 301 interdisant l'insulte à la "turcité" puis, après réforme, à la nation turque. En octobre 2011, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu un jugement dans l'affaire Altug Taner Akçam c. Turquie. Selon la Cour, l'article 301 du Code pénal turc, tel qu'amendé en 2008 continue de violer l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cet article 301 a été utilisé pour poursuivre des personnalités aussi diverses qu'Orhan Pamuk, Ragıp Zarakolu, Murat Belge, Perihan Mağden, Temel Demirer... Ou le journaliste turc d'origine arménienne Hrant Dink. Ce dernier fut assassiné en 2007 après avoir été condamné en vertu de l'article 301. Lors de ses funérailles, la foule immense portait de nombreux panneaux, dont l'un disait clairement: "Katil 301" (article 301 assassin). Bien que de nombreuses organisations turques et internationales de défense de la liberté d'expression aient demandé à maintes reprises l'abrogation de ce célèbre article, il est malheureusement toujours en vigueur et continue d'être utilisé, par exemple dans le contexte de l'intervention militaire turque à Afrine en début d'année 2018[10].

Ce n'est donc pas simplement l'abrogation de l'article 301 qu'il faut demander, mais ce qui constitue son terreau idéologique, le négationnisme d'Etat.

À l'étranger, la diplomatie turque mène un important travail de lobbying pour s'opposer à la reconnaissance du génocide. Le gouvernement turc déploie un budget et un réseau de pressions considérables afin de parvenir à ses fins. Pour donner une idée des moyens en jeu, dans un domaine connexe à la question du génocide, la Turquie aurait offert 15 millions de dollars à Michael Flynn, l'ex-conseiller national à la sécurité de Donald Trump, pour la capture de Fethullah Gülen[11]. "Nous devons voir le monde du point de vue de la Turquie", écrivait Flynn dans un article publié le jour même de l'élection de Trump[12]. Dans une conférence qu'il a donnée en juin 2011, l'historien turc Taner Akçam a déclaré qu'une source confidentielle à Istanbul lui avait certifié que le gouvernement turc prévoyait de soudoyer des historiens et des universitaires aux États-Unis afin de nier le génocide arménien[13].

En 1990, "le psychiatre Robert Jay Lifton (spécialiste des conséquences psychologiques de la guerre) a reçu une lettre de Nüzhet Kandemir, ambassadeur de Turquie aux Etats-Unis, remettant en question les références au génocide arménien dans l'un de ses livres. L'ambassadeur a par inadvertance inclus un projet de lettre de Heath W. Lowry, le conseillant sur la manière d'empêcher la mention du génocide arménien dans les ouvrages scientifiques. Lowry a par la suite été nommé à la chaire Atatürk d'études ottomanes à l'Université de Princeton, qui avait été dotée d'une bourse de 750 000 $ par la République de Turquie. L'incident a fait l'objet de nombreux rapports sur l'éthique dans la recherche[14] [15]".

Par ailleurs, "afin d'institutionnaliser cette campagne négationniste et d'essayer de lui donner une aura de légitimité, un "think tank" a été créé à Ankara en avril 2001. Opérant sous le nom d'"Institut de recherche arménienne" en tant que filiale du Centre d'études eurasiennes, avec un effectif de neuf personnes, cette nouvelle structure s'est engagée de manière proactive dans la contestation du génocide en organisant une série de conférences et interviews, et surtout, par le biais de publications, dont une revue trimestrielle[16]". Il est possible que depuis ce "think tank" se soit fondu dans le Centre d'étude eurasiennes[17], un "groupe de réflexion semi-officiel de Turquie dont la mission est de maintenir en vie cette religion d'Etat appelée "ataturkologie" (atatürkçülük) et de refuser en conséquence le génocide arménien. Cette institution est dirigée par d'anciens ambassadeurs et autres diplomates à la retraite[18]".

Colin Tatz, professeur à l'Université Macquarie en Australie, considère la nature de l'industrie turque du déni comme "pernicieuse, scandaleuse et continue" : "Voici un État moderne, totalement dévoué, en Turquie et à l'étranger, à des actions extraordinaires pour que chaque allusion ou mention du génocide arménien soit retirée, contredite, expliquée, contrée, justifiée, atténuée, rationalisée, banalisée et relativisée[19] [20]".

Dans une lettre ouverte du "Danish Department for Holocaust and Genocide Studies and the denial and relativization of the Armenian genocide", les historiens Torben Jorgensen et Matthias Bjornlund ont écrit[21]: "En ce qui concerne la réalité historique du génocide arménien, il n'y a pas de côté "arménien" ou "turc" de la "question", pas plus qu'il n'y a de côté "juif" ou "allemand" de la réalité historique de l'Holocauste : Il y a un côté scientifique, et un côté non scientifique, la reconnaissance ou le déni. Dans le cas de la négation du génocide arménien, il est même fondé sur un effort massif de falsification, de déformation, de nettoyage des archives et de menaces directes initiées ou soutenues par l'Etat turc, rendant tout "dialogue" avec les négationnistes turcs très problématique".

Philip L. Kohl et Clare Fawcett écrivent quant à eux que "les vestiges culturels arméniens de Turquie sont souvent rejetés ou qualifiés de monuments de la "période ottomane", et que la négation continue du génocide d'Etat est "liée à ces pratiques[22]". Il suffit d'aller dans la capitale arménienne de l'an mille, Ani, située du côté turc de la frontière, pour être confronté à la violence symbolique inouïe de cette négation. Aucun des panneaux touristiques du site ne mentionne le mot "arménien". L'utilisation d'euphémismes tels que "riches marchands", "bagratides" ou "prince du Moyen-Âge" étant préférée. Sur les 2500 églises arméniennes de 1915 dans l'Empire ottoman, il n'en reste plus qu'une poignée.

Rappelons enfin qu'en 1994, la maison d'édition des époux Zarakolu (Belge) a été plastiquée. L'année précédente, elle était devenue la première maison d'édition turque à publier un livre sur le génocide des Arméniens[23].

Conclusion

Les ONG dont le mandat couvre l'ensemble des droits humains doivent impérativement inclure la mise en place d'une politique de mémoire fondée sur le consensus scientifique, la reconnaissance du génocide de 1915, la fin de la politique négationniste d'Etat et le droit à la vérité pour la communauté arménienne de Turquie à leur panoplie de plaidoyer pour des impératifs à la fois moraux, d'efficacité et de solidarité dans un contexte où le droit à la vérité émerge comme un droit intangible en droit international.

Au-delà du plaidoyer sur la reconnaissance, des groupes de travail au sein des ONG pourraient par exemple être mis en place afin de définir les contours d'une politique de la mémoire dans le cas arménien en Turquie. L'une des questions pourrait être, par exemple, la suivante: les commissions de vérité et de réconciliation sont-elles un véhicule approprié pour un génocide qui a eu lieu il y a plus de 100 ans ? Une autre question fondamentale: quel droit à la vérité pour la communauté arménienne de Turquie de la part de l'Etat turc?

Celui ou celle qui travaillé dans les ONG sait que la question du "mandat" est centrale et permet parfois de justifier, au nom de la "cohérence du mandat", une certaine inaction. Il convient ici, à mon avis, de faire le parallèle avec la légalité d'Etat qui justifie parfois les pires horreurs.

Cela pose la question des ONG dont le mandat est limité à la liberté d'expression.

La réponse est plus délicate car il s'agirait clairement pour elles d'aller au-delà de leur mandat. Au nom de l'impératif d'efficacité, j'aurais cependant tendance à dire qu'elles doivent aussi franchir le pas. Au nom de la vérité scientifique aussi. PEN International qui vient de tenir son 84ème congrès international à Pune (Inde), en saluant les valeurs gandhiennes de vérité et de non-violence[24], devrait à mon sens montrer la voie aux autres organisations défendant la liberté d'expression en s'engageant de manière résolue et publique contre le négationnisme de l'Etat turc qui n'est autre qu'un racisme d'Etat et un dévoiement de la liberté d'expression. Et en s'engageant pour la droit à la vérité pour la communauté arménienne de Turquie. L'engagement de l'association des éditeurs et libraires allemands (Boev) contre le racisme en Allemagne est, à mon avis, un exemple salutaire à suivre[25].

J'ai énoncé plus haut les raisons pour lesquelles les ONG de défense des droits humains devraient s'engager pour la reconnaissance du génocide des Arméniens, contre le négationnisme d'Etat et le droit à la vérité. Les Arméniens, comme d'autres peuples de Turquie, attendent toujours et encore que justice soit faite et que leur histoire soit dite dans la vérité. Affronter et accepter la vérité sur son passé est la seule voie possible pour une Turquie pleinement démocratique et respectueuse des droits humains.

[2] Définis notamment par Ragıp Duran: a. l'islam politique, b. l'armée, c. le kémalisme, d. la question kurde/le séparatisme kurde, e. le génocide arménien.

[4] University of California, Los Angeles scholar Leo Kuper in a review on Ervin Staub's "The Roots of Evil: The Origins of Genocide and Other Group Violence" research, wrote:[92]

The Armenian genocide is a contemporary current issue, given the persistent aggressive denial of the crime by the Turkish government-not withstanding its own judgment in courts martial after the first World War, that its leading ministers had deliberately planned and carried out the annihilation of Armenians, with the participation of many regional administrators.

[16] America and the Armenian Genocide of 1915, by J. M. Winter, Paul Kennedy, Antoine Prost, Emmanuel Sivan, preface by V. Dadrian, 2003, Cambridge University Press, 332 p., ISBN 0-521-82958-5, p. 54

[20] With Intent to Destroy: Reflecting on Genocide, by Colin Martin Tatz, 2003, Verso, 222 p., ISBN 1-85984-550-9, p. 129

[22] Nationalism, Politics, and the Practice of Archaeology. Edited by Philip L. Kohl and Clare Fawcett. Cambridge: Cambridge University Press, 341 p., ISBN 0-521-48065-5, p. 170

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